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huit ans au sortir de l’école primaire, enseigneront les langues (latine, grecque, française et langues vivantes), les mathématiques, la physique, l’histoire naturelle.

Je n’entre pas dans le programme des écoles spéciales ni dans celui de l’Institut qui, à vrai dire, n’a d’autres limites que celles de l’esprit humain. Ce plan, proposé par Talleyrand, correspond sensiblement à ce qu’a été pendant une grande partie du xixe siècle l’organisation de l’enseignement public : des écoles élémentaires dans les communes ; au chef-lieu de district (ou d’arrondissement), un lycée ou collège donnant l’enseignement secondaire ; puis, en quelques villes, des écoles spéciales (Écoles ou Facultés) pour le droit, la médecine, la théologie, etc., et enfin au sommet, à Paris, « l’Institut universel » dédoublé en Institut proprement dit et en École normale supérieure. Il n’y a que les écoles spéciales de science et de littérature, ce que nous appelons encore la Faculté des lettres et la Faculté des sciences, qui fait défaut : l’enseignement supérieur est réduit, en province, aux écoles spéciales professionnelles ; à vrai dire, il n’existe qu’à Paris dans l’Institut universel. Mais, en somme, c’est bien la conception de la Constituante qui, avec d’assez légères retouches, passera dans les faits.

Quels étaient dans le plan de Talleyrand et de la Constituante, les rapports de l’enseignement et des pouvoirs publics ? De quels principes s’inspirait-il ? Sur quelle doctrine s’appuyait-il ? Pour les maîtres des écoles primaires et secondaires, des concours étaient ouverts au chef-lieu du département ; et ceux qui étaient déclarés « éligibles » formaient pour toute la France une liste unique. C’est sur cette liste que les directoires des départements, qui eux-mêmes étaient, comme on l’a vu, élus par les citoyens actifs, choisissaient les maîtres. Ainsi, dans l’enseignement aussi, c’est sous la forme de l’élection que devait s’exercer la souveraineté nationale.

Et de même que, dans la Constitution civile du clergé, la Constituante avait essayé un compromis entre la force traditionnelle de l’Église et la souveraineté de la nation, de même, dans le plan de Talleyrand, c’est un compromis entre l’éducation chrétienne et la pure raison qui règle l’enseignement.

Dans les écoles primaires et dans les écoles secondaires, on devra enseigner « les principes de la religion ». Mais si la religion est acceptée à l’école, elle n’y entre pas en maîtresse : ce n’est pas elle qui fournit les règles de la vie ; et même, il semble que ce soit pour la surveiller autant que pour lui faire une part que la Révolution l’accueille. Parlant « des éléments de la religion », qui seront enseignés à l’école primaire, Talleyrand dit : « Car si c’est un malheur de l’ignorer, c’en est un plus grand peut-être de la mal connaître ».

Il veut évidemment que la Révolution mette sa marque jusque sur l’enseignement du catéchisme. Et on sent d’ailleurs que, pour Talleyrand et