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« des particuliers », comme dit l’article proposé par Talleyrand ; et ces « particuliers » ne pouvaient être ni des moines, puisque les congrégations étaient interdites et allaient être dispersées, ni des prêtres réfractaires, puisque la Révolution, qui les frappait de l’internement d’abord, de la déportation ensuite, et qui les déclarait « suspects », ne pouvait leur livrer l’enseignement. La Révolution se bornait donc à solliciter le zèle des « particuliers » amis de la Révolution qui librement auraient secondé l’immense effort tenté par elle. Les polémistes cléricaux, quand ils invoquent ces textes pour justifier, au nom de la Révolution, la liberté d’enseignement étendue aux congrégations et à l’Église, commettent, volontairement ou non, la plus grave méprise. Qu’ils suppriment les congrégations, qu’ils soumettent le clergé à la constitution civile, et la question n’existe plus.

Talleyrand, distribuant en effet les divers degrés d’enseignement comme le prévoit l’article constitutionnel, d’après les divisions administratives, prévoit quatre sortes d’écoles. Il y aura des écoles primaires correspondant à la commune et, à Paris, à la section. Il y aura ensuite des écoles de district donnant un enseignement plus élevé. Au troisième degré, il y aura, au chef-lieu de département, des écoles spéciales, écoles de théologie, écoles de droit, écoles de médecine, écoles militaires ; bien entendu, un même chef-lieu ne devait pas comprendre toutes les écoles, et beaucoup même, parmi les chefs-lieux de département, n’en devaient pas recevoir. Enfin, au sommet, un Institut universel, dont Talleyrand parle en termes magnifiques. Il le concevait comme une combinaison de ce qui est aujourd’hui l’Institut et de ce qui est aujourd’hui l’école normale supérieure, c’est-à-dire, à la fois, comme un foyer de haute science et de haute pensée, et comme une organisation enseignante.

De même qu’au delà de toutes les administrations se trouve placé le premier organe de la Nation, le Corps législatif, investi de toute la force de la volonté publique ; ainsi, tant pour le complément de l’instruction que pour le rapide avancement de la science, il existera dans le chef-lieu de l’Empire, et comme au faîte de toutes les institutions, une École plus particulièrement nationale, un institut universel qui « s’enrichissant des lumières de toutes les parties de la France, présentera sans cesse la réunion des moyens les plus heureusement combinés pour l’enseignement des connaissances humaines et leur accroissement indéfini. »

« Cet institut, placé dans la Capitale, cette patrie naturelle des arts au milieu de tous les modèles qui honorent la Nation…, est destiné par la force des choses, à exercer une sorte d’empire, celui que donne une confiance toujours libre et toujours méritée ; il deviendra par le privilège légitime de la supériorité, le propagateur des principes et le véritable législateur des méthodes », et de tous les départements des jeunes gens d’élite seront envoyés à cet institut comme à la suprême école de la pensée humaine.