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imiter, mais elles ont rencontré beaucoup d’opposition, beaucoup d’obstacles, et il en est résulté, pour ainsi dire, une guerre civile dans chaque canton. » Il demandait un rapport immédiat. Mais Laureau rappela combien la question était complexe et malaisée.

« Je ne pense pas, dit-il, qu’il faille charger le Comité d’agriculture de présenter un projet de décret pour le partage des communaux… Vous préjugerez ainsi que ces communaux seront partagés, et que le Comité n’en indique que le mode. Il serait bien dangereux qu’un pareil préjugé décidât précipitamment et sans examen sur une des plus importantes questions de l’administration rurale de ce royaume. Des partages communaux ont déjà été faits dans plusieurs provinces ; ces essais n’ont pas été assez heureux pour faire adopter de confiance et sans examen une mesure générale de cette nature. »

Le problème fut réservé, et la Législative ne le résoudra pas, mais il était présent aux esprits, et là encore perçait l’inquiétude d’un ordre nouveau.

En novembre 1790, la Constituante avait décidé que, passé un délai d’un an, la faculté de se libérer en douze annuités serait abolie et qu’il faudrait s’acquitter en quatre. Déjà, en décembre 1791, la Législative avait prorogé ce délai jusqu’au 1er mai 1792. Par son décret d’avril 1792, elle le recula encore jusqu’au 1er janvier 1793 : « L’Assemblée nationale, voulant donner aux acquéreurs des biens nationaux qui restent encore à vendre les mêmes facilités pour le payement qu’aux précédents acquéreurs et considérant que le terme pour user de la faculté accordée par le décret du 14 mai 1790 expire au 1er mai 1792, déclare qu’il y a urgence… »

« L’Assemblée nationale… décrète que le terme du 1er mai 1792 fixé par la loi du 11 décembre dernier aux acquéreurs des biens nationaux pour jouir de la faculté accordée pour leur payement par l’article 5 du titre III du décret du 14 mai 1790 sera prorogé jusqu’au 1er janvier 1793, mais seulement pour les biens ruraux, bâtiments et emplacements vacants dans les villes, maisons d’habitation et bâtiments en dépendant, quelque part qu’ils soient situés ; les bois et usines demeurent formellement exceptés de cette faveur.

« Passé le 1er janvier 1793, les payements seront faits dans les termes et de la manière prescrite par les articles 3, 4 et 5 du décret du 4 novembre 1790. »

M. Sagnac s’est trompé lorsqu’il a cru que le décret du 4 novembre 1790, réduisant à quatre années les délais de payement, avait eu un effet immédiat. En fait, par des prorogations successives, la disposition qui accordait douze années fut maintenue, et le mouvement des ventes se trouva ainsi accéléré.

Mais une grande question s’impose à nous : que devenait dans l’universel remuement et ébranlement des intérêts et des habitudes la notion de la propriété ? Qu’on se représente qu’en 1792 la vente des biens nationaux, des biens d’Église réalisée aux deux tiers pendant l’année 1791 se continuait, qu’ainsi aux anciens possédants se substituaient un peu partout, dans des domaines