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pourra en faire le rachat partiel, sans, qu’en vertu de la solidarité, il puisse être contraint à rembourser au delà de sa quote-part ; et ne seront réputés conservés et susceptibles de rachat que ceux des dits droits, qui seront établis par titres constitutifs suivis de prestations ou, au moins, par trois reconnaissances successives, également suivies de prestation et dont la plus ancienne rappelle le titre de concession ;

« 2o Qu’il n’y aura lieu au rachat forcé des droits casuels, que dans le cas où, après le rachat effectué des droits fixes, il y aurait mutation réelle de propriété par vente ou acte équivalant à vente. »

Je ne sais si je me trompe. Mais il me semble que, dans les paroles de Couthon sur le paysan qui n’a que ses bras et sa bêche, et qui voudrait travailler librement une portion de la grande hérédité commune, il y a un accent nouveau et plus profond que dans les discours des constituants. L’homme qui prononce ces paroles n’hésitera pas à aller un jour jusqu’à l’abolition entière sans rachat. Mais, tout d’abord, il formule des propositions plus prudentes. Soudain, en terminant, il lie de nouveau l’intérêt des paysans au vaste intérêt de la Révolution.

« Voulez-vous, Messieurs, assurer le prompt recouvrement des impôts, voulez-vous tripler la faveur du papier monnaie, voulez-vous tuer l’agiotage, voulez-vous remédier efficacement aux troubles prétendus religieux, voulez-vous déconcerter tous les propos des malveillants, et consommer, d’un seul mot, la Révolution ? Rendez de semblables lois ; occupez-vous du peuple ; vous le devez, puisqu’il vous a confié ses intérêts les plus chers ; la France est heureuse et libre si vos travaux sont sanctifiés par la bénédiction du peuple. Le salut public est, au contraire, compromis si la mortelle indifférence de l’opinion vient frapper vos décrets.  » (Applaudissements répétés dans l’Assemblée et dans les tribunes.)

Ainsi, de même qu’à l’ardente lumière révolutionnaire du 14 juillet, les paysans avaient apparu, de même que dans le premier ébranlement de la Révolution ils avaient imposé à la bourgeoisie des décrets mémorables, de même, en ces jours incertains et troublés du premier semestre de 1792, aux premiers éclairs de guerre civile et de guerre étrangère, la figure du paysan se dresse encore, déçue et amère.

La Révolution, pour se sauver, sera obligée de lui accorder en fait ce que le décret du 4 août ne lui donnait qu’en apparence Les juristes s’épuiseront à trouver des subtilités d’interprétation, ou à bâtir des systèmes d’histoire pour justifier l’expropriation des seigneurs. Mais Couthon a prononcé le vrai titre des paysans : le salut public, le salut de la Révolution exigeait qu’ils fussent délivrés.

Mais quel entrelacement des choses ! quels contre-coups des événements ! et, comme les Révolutions, même ramassées en un espace de temps assez court, sont un drame compliqué ! C’est la trahison du roi qui, en obligeant la