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« 2o Dans les lettres de change ou effets au porteur émis par les banquiers ;

« 3o Dans les billets de Caisses, éparses dans les différentes villes qui ont imité Paris.

« Qu’est-il arrivé, Messieurs, de cette concentration ? D’une part, une coalition naturelle entre les banquiers et les trois Caisses dont je viens de parler ; et de l’autre, une augmentation indéfinie du numéraire fictif.

« J’observe que le fonds de cautionnement à fournir par la Caisse patriotique de Paris loin d’avoir été fait en assignats ou en numéraires ne le fut qu’en effets nationaux ou effets de la Compagnie des Indes et autres : premier branle donné par elle à l’agiotage. C’est une vérité… sur laquelle j’appelle le témoignage de la municipalité de Paris, dépositaire de ce cautionnement.

« Là a commencé le change des assignats contre les billets de confiance. Les assignats de 50 livres et de 100 livres gagnèrent 2 à 3 0/0 contre ceux de 500 et 2.000 livres. La Caisse patriotique convertit à ce taux de profit ceux de 50 et de 100 livres qu’elle recevait contre ceux de 500 et 2.000 livres ; et ceux-ci, elle les employa à escompter des lettres de change à trois signatures ou à prêter sur les effets nationaux ou de Compagnies particulières et sur les espèces d’or et d’argent. Elle arriva par ce moyen au niveau de la Caisse d’escompte. Les voilà donc lancées toutes deux également dans les banques et en affaires sérieuses et communes avec tous les banquiers. »

Ainsi la monnaie de la Révolution qui, par le gage de l’assignat, avait la solidité de la terre, devient maintenant, par le billet de confiance, une monnaie fluctuante, livrée à tous les courants de la spéculation. Brusquement s’élève un cri de détresse et de naufrage. Le bruit se répand dans Paris, à la fin de mars, que la Caisse de secours a dévoré ou compromis son actif, qu’elle n’est pas en état de rembourser les billets de confiance émis par elle. Le peuple, porteur de ces billets de confiance et alarmé soudain sur leur solidité, va en masse aux guichets et demande le remboursement. Un administrateur s’évade : la panique s’accroît : les 7 millions de billets de la Caisse de secours qui circulaient dans Paris sont menacés d’un discrédit complet : le peuple est dans un état d’animation violent contre les spéculateurs, les agioteurs, les banquiers, et un soulèvement est imminent. Le maire de Paris saisit du péril le Gouvernement et l’Assemblée. Lafon-Labedat, le 30 mars, fait un rapport d’urgence.

« Sans les précautions prises par la municipalité, dit-il, les plus grands désordres auraient pu agiter Paris. Nous ne connaissons pas encore avec exactitude la situation de cette Caisse. Le sieur Guillaume, principal administrateur, prétend qu’il n’a été mis en émission que pour une somme de 7 millions de billets, et que déjà 4 millions sont rentrés. Il prétend aussi que la Caisse a un actif considérable et de fortes créances à retirer d’une maison de