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« Vous concevez, en effet, Messieurs, que ce n’est pas précisément l’honorifique du régime féodal qui, pesait sur le peuple. Il l’outrageait, l’avilissait, le dégradait sans doute, puisqu’il le séparait de la condition commune à tous les hommes et qu’il détruisait l’égalité établie par la nature.

« Mais les droits, dont le peuple sentait le plus le poids et qui influaient plus essentiellement sur son bien-être, c’étaient les droits utiles, tels que les cens, censives, rentes seigneuriales, champarts, terrages, agriers, arrages, complant, lods et ventes, relief, et autres de ce genre, Or, tous ces droits ont été conservés par le décret de l’Assemblée constituante du 15 mars 1790. »

Couthon déclare qu’il n’entend pas demander l’abolition de tous ces droits indistinctement. Il les divise en deux catégories : il y a les droits récents, fondés sur des titres et représentant vraiment des concessions de terre faites par les seigneurs : ceux-là doivent être respectés. Mais tous les droits anciens représentent seulement une usurpation des seigneurs, une application monstrueuse de leur prétendu droit à la propriété universelle.

« Ce que je viens de dire de la prétention des ci-devant seigneurs à la propriété universelle est prouvé par mille exemples, que fournissent encore de nos jours la plupart de nos départements. Je me bornerai à citer le mien, (le Puy-de-Dôme) dans lequel il se trouve une infinité de villages, où les seigneurs jouissent encore du droit de tout posséder, tout concéder sans autre titre de propriété que leur qualité de seigneur ; tout, par cette qualité, leur appartient ; le malheureux, sans autre ressource que ses bras, sans autre patrimoine que sa bêche, n’est pas libre de s’en servir exclusivement pour ses besoins. La nature lui présente un sol ingrat, abandonné, couvert, depuis la création du monde, de rochers effrayants.

« Eh bien ! s’il veut fertiliser de ses sueurs cette portion de la grande hérédité commune, son ci-devant seigneur paraît au moment de la récolte pour lui enlever la quatrième ou, au moins, la cinquième portion, et cela en vertu de son prétendu droit de la propriété universelle, d’où il fait résulter une convention tacite en faveur de l’infortuné cultivateur. »

Ces droits iniques, non seulement la Constituante ne les a pas abolis, mais elle en a organisé le rachat de façon à le rendre impossible.

« La première de ces dispositions est celle qui veut qu’on ne puisse racheter les droits fixes sans racheter en même temps les droits actuels.

« La seconde est celle qui maintient la solidarité parmi les débiteurs des droits conservés. »

C’est sur ces deux points que Couthon se borne à appeler la réforme de la Législative :

« Il est temps, Messieurs, de réformer des dispositions si vicieuses, si injustes, si impolitiques, si inconstitutionnelles, c’est la pétition du peuple que je vous présente quand je fais ici la motion expresse de décréter :

« 1o Que tout débiteur de droits ci-devant seigneuriaux conservés,