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rentrait pour être brûlé après avoir acquitté le prix des biens nationaux, plus il y avait de chance pour que l’imprévu des événements vînt troubler ce mécanisme.

On pouvait craindre par exemple que la Révolution, acculée par la guerre à des dépenses exceptionnelles, cessât de brûler les assignats qui faisaient retour ; et malgré toutes les précautions prises pour donner à ce brûlement forme authentique, jamais la Révolution ne parvint à persuader à tout le pays que les assignats étaient détruits à mesure qu’ils rentraient à la Caisse de l’extraordinaire : aussi on pouvait craindre une surcharge de l’émission. D’ailleurs, il était impossible d’adapter exactement le chiffre des assignats émis à la valeur un peu incertaine des biens mis en vente, et il était certain que des assignats resteraient en circulation quand tous les biens seraient déjà vendus.

On n’aurait pu en effet les retirer brusquement sans enlever au pays des moyens d’échange dont il avait un besoin absolu. Mais il fallait ainsi prévoir au bout de la grande opération des ventes toute une période où les assignat, ceux du moins qui ne seraient pas encore rentrés, ne porteraient plus sur un gage territorial. Montesquiou montrait avec raison que cette hypothèse n’avait rien de redoutable ; il prévoyait (si l’émission ne dépassait pas le chiffre fixé par la Constituante) qu’en 1799 il ne resterait plus que 400 ou 500 millions d’assignats en circulation. Et il ajoutait : « C’est à cette époque que, peut-être, on sentirait la nécessité de ne pas priver la circulation du royaume d’une monnaie fictive qui, réduite à une juste proportion, serait très utile et ne pourrait plus nuire.

« L’établissement d’une banque nationale qui absorberait alors le reste des assignats et qui y substituerait des billets payables à vue assurerait dans l’année 1800 le terme absolu de l’opération. » Il n’y en avait pas moins dans le jeu des émissions et des rentrées d’assignats quelque chose d’un peu indéterminé et flottant qui pouvait diminuer le crédit de l’assignat.

Mais un autre péril le menaçait : L’Assemblée constituante avait ordonné la liquidation des offices supprimés. Cette opération était nécessairement un peu lente : et pour ne pas priver trop longtemps les propriétaires de ces offices du capital de leur charge, elle avait décidé qu’ils recevraient une reconnaissance provisoire, qui leur permettrait d’acheter des biens nationaux. Le directeur du service de la liquidation, Dufresne Saint-Léon, signale le danger à la Législative dans un important mémoire du 9 décembre : « Les propriétaires d’offices supprimés ont le droit de me demander des reconnaissances provisoires, susceptibles d’être admises en payement de domaines nationaux jusqu’à concurrence de la moitié de la finance présumée de leurs offices non liquidés.

« Ce n’est pas sans scrupule que j’ai obéi à la loi à cet égard parce que j’ai toujours considéré cette opération comme une création d’assignats qui,