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(une loi sur la circulation des billets de confiance) mérite la plus sérieuse attention.

« Je crois le premier moyen complètement inutile. En effet, pour en retirer quelque avantage, il faudrait pouvoir attendre de la liberté d’importation dans nos ports une quantité de sucre étranger assez considérable pour former une concurrence qui fit baisser le prix des nôtres ; or, voilà ce que vous ne pouvez pas espérer. Vous n’ignorez pas qu’aucune des nations commerçantes, qui possèdent des colonies, ne recueille une assez grande quantité de sucre pour en former l’objet d’un grand débouché et pour exporter l’excédent de sa consommation. L’Angleterre, qui est après nous celle des puissances commerçantes dont les plantations en fournissent le plus n’en exporte qu’une très faible partie. L’aisance de ses habitants y a rendu l’usage du sucre plus général et plus considérable que parmi nous. Le gouvernement avait, à la vérité, encouragé par une prime et par une restitution du droit à la sortie appelée drawback l’exportation du sucre raffiné ; mais effrayé de l’augmentation subite de cette denrée dans les marchés de France il vient de supprimer le drawback et la prime. (Ducos veut dire qu’attirés par le bénéfice que leur promettait, au moins pendant quelques jours, le haut prix du sucre en France, les raffineurs anglais auraient envoyé leurs sucres en masse s’ils y avaient été encouragés encore par la prime et le drawback ; dès lors le marché anglais aurait été dégarni de sucres et les consommateurs d’Angleterre l’auraient payé trop cher. L’Angleterre supprima donc tous les stimulants à l’exportation.) C’est nous, continue l’orateur, qui fournissons presque tout le reste de l’Europe de cette denrée, et la plupart des commerçants étrangers ne pourraient user de la liberté que vous leur accorderiez, que pour nous rapporter les mêmes sucres qu’ils auraient exportés de nos ports. »

« Qu’importe, dira-t-on peut-être, si l’accaparement a tellement fait renchérir cette marchandise en France, que les étrangers trouvent encore du bénéfice à nous revendre celle qu’ils nous ont achetée à un prix beaucoup plus bas, il y a quelques mois ? Mais ceux qui proposeraient cette objection raisonneraient sur une erreur de fait qu’il faut détruire. Telle est notre influence sur nos voisins, pour le prix des denrées coloniales, que leur cours suit toujours à peu près dans les marchés du Nord, les variations qu’ils éprouvent dans les nôtres. Le sucre augmente-t-il à Bordeaux et à Nantes ? Il augmente à Amsterdam et à Hambourg dans une proportion assez constamment uniforme ; diminue-t-il dans nos places de commerce ? La baisse se fait aussitôt ressentir en Allemagne et en Hollande. La raison en est simple. La France ne retient que la huitième partie, à peu près, du sucre qu’elle retire de ses colonies, le reste est acheté dans ses ports, par des commissionnaires pour le compte des étrangers. Ainsi le prix des sucres éprouvera chez nos voisins ainsi que chez vous un surhaussement extraordinaire qui ne leur laissera la perspective d’aucun profit dans la réexportation en France ; je tire d’autres conséquences de ces faits : c’est que les