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publique… (Murmures.) Plusieurs membres : « À l’ordre du jour ! » D’autres membres : « Non, Non, achevez ! »… de protéger un citoyen qui ne contraint personne à lui demander son bien mais qui proteste de vouloir garder en nature celui qu’il a récolté. (Murmures.) Veuillez donc, Monsieur le Président, donner des ordres à M. le maire d’entourer mes magasins d’une garde suffisante dont il est juste que je supporte les frais. Je demande surtout que cet ordre soit donné avant d’ouvrir la discussion sur la demande de la section des Gobelins, qui prétendait hier fixer le prix des denrées sans avoir eu l’attention d’indiquer aux législateurs le point délicat où la propriété finit et où l’accaparement commence.

« Signé : Joseph-François Delbé, Américain,
citoyen actif de la section de Popincourt, grenadier
volontaire dans le bataillon, de cette section,
rue de Charonne, no 158 bis. »

C’est sans doute une mystification : mais c’est aussi une manœuvre de la contre-révolution cherchant à effrayer les propriétaires et à opposer, en un contraste violent, le droit de propriété poussé jusqu’à l’absolu aux réclamations populaires. Dans le cerveau exaspéré de quelque propriétaire des îles avait pu éclore cette étrange fantaisie de polémique sociale, en forme de pétition. Mais il y avait une autre pétition plus authentique et de forme plus sérieuse. C’était celle d’un banquier, Boscary, membre de l’Assemblée Législative, qui avait complété ses opérations de banque par des opérations de commerce. Il se mettait sous la protection de ses collègues de l’Assemblée :

« Monsieur le Président. Le peuple égaré par des gens malintentionnés s’est porté hier matin chez moi en foule au moment où j’allais me rendre à l’Assemblée et m’a empêché de me rendre à mon poste. On lui insinue que ma maison de commerce, sous le nom de Ch. Boscary et Compagnie, avait fait des accaparements de denrées coloniales, assertion aussi fausse que calomnieuse. On a tenté d’entrer par force dans ma maison et on a cassé toutes mes vitres du premier étage (Bruit dans les tribunes) avant que la force publique ait pu m’accorder protection. Je suis encore menacé en ce moment, et malgré la garde qu’on a voulu me donner, on jette des pierres contre mes fenêtres : ma fortune, celle de nos amis sont en danger. J’invoque la loi, la sauvegarde de la propriété non seulement pour moi, mais encore pour tous les négociants de Paris qui ne sont pas exempts des égarements du peuple… (Murmures sourds.) Je ne m’attendais pas. Monsieur le Président, à devenir l’objet de la fureur du peuple. Je n’ai jamais fait de mal à personne ; j’ai fait le bien quand je l’ai pu Personne plus que moi ne s’est livré à la Révolution. Constamment dans les places civiles et militaires, j’ai été le premier à défendre les propriétés en danger ; et aujourd’hui les miennes sont menacées. J’espère que le peuple, revenu de son égarement, me rendra l’estime et la justice que je mérite à