Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

charges pesantes, pour la suite infinie des siècles, si elle ne subissait pas la loi de la servitude ou la loi de la force.

Que l’Assemblée proclame qu’à l’origine nécessairement la classe paysanne a été violentée, et tout l’édifice féodal s’écroule. Mais l’Assemblée n’ose pas faire cette grande affirmation historique qui aurait libéré en bloc la classe paysanne ; l’Assemblée ne se risque pas à la produire. Elle exige que chaque paysan, dans le détail, fasse la preuve directe que des actes particuliers d’oppression et d’extorsion sont l’origine de ses charges.

Et voilà les paysans condamnés à porter éternellement la chaîne parce qu’ils n’auront pu en retrouver le premier anneau, analyser de quel métal il était luit, et dessiner, pour ainsi dire, le marteau dont il fut forgé.

L’Assemblée proclame, en outre, que s’il y a litige sur l’existence ou la quotité d’un droit, les « juges doivent, nonobstant le litige, ordonner le payement provisoire des droits qui, quoique contestés, sont accoutumés d’être payés.

« Mais dans quel cas des droits, aujourd’hui consentis, doivent-ils être regardés comme accoutumés d’être payés ? La maxime générale qu’a établie, depuis des siècles, une jurisprudence fondée sur la raison la plus pure, c’est qu’en fait de droits fonciers, comme en fait d’immeubles corporels, la possession de l’année précédente doit, sauf toutes les règles locales qui pourraient y être contraires, déterminer provisoirement celle de l’année actuelle. Mais comme cette maxime n’a lieu que lorsque la possession de recevoir ou de ne pas payer n’est pas l’effet de la violence, et que, très malheureusement, la violence employée de fait ou annoncée par des menaces a, seule, depuis deux ans, exempté un grand nombre de personnes du payement des droits de champart, de terrage et autres, l’Assemblée nationale manquerait aux premiers devoirs de la justice, si elle ne déclarait pas, comme elle le fait ici, qu’on doit considérer comme accoutumés d’être payés, dans le sens et pour l’objet du décret du 18 juin 1790, tous les droits qui ont été acquittés et servis, ou dans l’année d’emblavure qui a précédé 1789, ou en 1789 même, ou en 1790. »

Ainsi, l’Assemblée abolissait tous les effets du soulèvement des paysans. Elle décidait de plus, que ceux-ci pouvaient bien demander, aux seigneurs, communication des titres, mais que cette communication aurait lieu dans les chartriers mêmes.

« Jamais les vassaux, tenanciers et censitaires n’ont pu prétendre qu’on dût leur remettre en mains propres, et confier à leur bonne foi des titres qu’ils auraient le plus grand intérêt de supprimer. »

Enfin, après avoir invité les municipalités à recouvrer les droits féodaux, dus pour les biens nationaux, la Constituante rappelle aux directoires de départements qu’ils ont, comme les municipalités, le droit de requérir la