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parce que l’expression indice, dans une correspondance diplomatique, ne lui paraît pas assez forte.

Et encore. « L’affectation de M. Delessart à prêcher la paix n’était-elle pas encore plus propre à nous attirer la guerre ou au moins des réponses humiliantes ? Lisez la fin de sa lettre : C’est la paix que nous voulons… Qui ne sait ici, Messieurs, que le ministre autrichien ne devait voir dans ces cris pour la paix que les fureurs de l’impuissance et de la pusillanimité ?… »

C’est sur des raisons de cette force que Brissot fonde une demande de mise en accusation. Il y a treize griefs. Delessart était coupable « en ayant demandé bassement la paix. » C’est le grief no 7. Il l’est encore, « en ayant communiqué au ministère autrichien des détails sur l’intérieur de la France qui pouvaient donner une fâcheuse opinion sur sa situation et provoquer des déterminations funestes pour elle », comme si Delessart en faisant allusion aux agitations, aux conflits qui suivaient naturellement en France le grand ébranlement révolutionnaire avait appris quoi que ce soit à l’étranger.

Et dans ce réquisitoire sophistiqué contre le ministre, pas un mot sur le roi, pas un mot sur la Cour. C’est toujours le même système d’hypocrisie et de mensonge. Depuis des mois, les habiles et les peureux faussent la conscience de la Révolution. Il est entendu que l’on ménagera le roi. Il est entendu qu’on surexcitera la passion nationale pour ranimer la passion révolutionnaire que l’on croit affaiblie. Avec ce parti pris de n’aborder la royauté que par ces détours, de ne l’attaquer qu’obliquement, on s’est condamné à mentir, à tricher ; et n’osant pas dire au peuple la vérité rude et forte, qu’il faut décidément abattre la royauté et le roi, on affole le pays par des soupçons, par des romans de trahison. Sur Delessart, qui s’est borné à traduire honnêtement la politique pacifique des modérés, Brissot épuise ses ressources de plate dialectique, et contre le roi, qui trahit lui, qui livre la patrie, mais qui distribue encore les portefeuilles ministériels, Brissot n’a pas un mot de menace. Et pourtant si le roi ne trahit pas, au profit de qui trahit Delessart ?

C’est un soulagement, après toutes ces roueries de sophiste et de pédant, d’entendre, en cette même séance du 10 mars, le grand cri de colère et d’éloquence de Vergniaud contre les Tuileries :

« Permettez-moi, messieurs, une réflexion. Lorsqu’on proposa à l’Assemblée constituante de décréter le despotisme de la religion chrétienne, Mirabeau prononça ces paroles mémorables : De cette tribune où je vous parle on aperçoit la fenêtre d’où la main d’un monarque français armé contre ses sujets par d’exécrables factieux, qui mêlaient des intérêts personnels aux intérêts sacrés de la religion, tira l’arquebuse qui fut le signal de la Saint-Barthélémy.

« Eh ! bien, messieurs, dans ce moment de crise où la patrie est en danger, où tant de conspirations s’ourdissent contre la liberté, moi aussi je