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et quelques folliculaires ; et voudrait-on leur faire l’honneur de leur répondre à coups de canon ? » (Rires et quelques applaudissements.)

Puis, il essayait de détourner l’Empereur de toute pensée d’agression en lui représentant les périls qu’aurait pour lui-même la victoire ; et cette hypothèse qui semblait vouer la Révolution à la défaite, indisposa l’Assemblée. « Je reviens à l’objet essentiel, à la guerre. Est-il de l’intérêt de l’Empereur de se laisser entraîner à cette fatale mesure ? Je supposerai si l’on veut, tout ce qu’il y a de plus favorable pour ses armes : Eh bien ! qu’en résultera-t-il ? Que l’Empereur finira par être plus embarrassé de ses succès qu’il ne l’eût été de ses revers et que le seul fruit qu’il réalisera de cette guerre sera le triste avantage d’avoir détruit son allié et d’avoir augmenté la puissance de ses ennemis et de ses rivaux. » (Murmures.)

Le ministre concluait sur un ton très modéré, très conciliant et un peu humble. « Vous devez chercher, Monsieur, à vous procurer des explications sur trois points : 1o Sur l’office du 21 décembre ; 2o Sur l’intervention de l’Empereur dans nos affaires intérieures ; 3o Sur ce que Sa Majesté impériale entend par les Souverains réunis en concert pour l’honneur et la sûreté des couronnes. Chacune de ces explications demandée à sa justice peut être donnée avec la dignité qui convient à sa personne et à sa puissance…

« Je me résume, Messieurs, et je vais vous exprimer en un mot le vœu du Roi ; celui de son conseil et je ne crains pas de le dire, celui de la partie saine de la nation : c’est la paix que nous voulons. Nous demandons à faire cesser cet état dispendieux de guerre dans lequel la fatalité des circonstances nous a entraînés ; nous demandons à revenir à l’état de paix. Mais on nous a donné de trop justes sujets d’inquiétude pour que nous n’ayons pas besoin d’être pleinement rassurés. »

Le vice essentiel de ce document, c’est d’accepter, pour ainsi dire, la discussion avec l’Empereur, avec l’étranger, sur nos affaires intérieures. C’est de s’efforcer d’obtenir la paix pour la Révolution en promettant qu’elle sera bien sage, en laissant espérer que si on ne l’inquiète point, elle ne dépassera pas une certaine ligne. Ce n’était donc qu’une reconnaissance conditionnelle de la Révolution que paraissait demander le ministre. Mais en vérité, comment aurait-il pu poser autrement la question ? En exigeant de l’Empereur, frère de Marie-Antoinette, la reconnaissance publique et inconditionnelle de la Révolution, en le sommant de déclarer qu’il n’attaquera en aucun cas, même si la France renverse la royauté, même si à l’exemple de l’Angleterre de 1648, elle décapite le roi, la Gironde acculait l’Empereur ou à une déclaration qu’il ne pouvait faire, ou à la guerre. C’est seulement dans le silence que pouvaient s’accorder la liberté de la Révolution et les calculs pacifiques de Léopold.

Or, ce silence, la Gironde voulait avant tout qu’il fût rompu et le ministre des affaires étrangères, ne pouvant pas se taire et ne voulant pas prononcer