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plus grand zèle pour aller rétablir la tranquillité publique et protéger les propriétés comme la sûreté des individus. »

« Ce qui nous afflige le plus, Messieurs, ce qui rend surtout le mal dangereux, c’est qu’en plusieurs endroits les officiers municipaux sont ou les secrets moteurs, ou les complices, ou les témoins indifférents des troubles dont nous sommes forcés de vous présenter le tableau. Et que pourrait-on attendre, nous osons le dire. Messieurs, de corporations aussi faibles, aussi ignorantes, aussi peu disposées à soumettre tout intérêt particulier à l’intérêt public, aussi peu propres, en un mot, à remplir leur grande destination, que le sont, pour la plupart, les municipalités de campagne ? »

Cette adresse, toute pénétrée de frayeur bourgeoise, est d’un haut intérêt. Elle nous montre d’abord l’intensité du mouvement paysan contre le régime féodal subsistant. Non pas qu’il y ait eu précisément des violences. Malgré les potences et les placards qui peuvent fournir à un historien de l’école de Taine de terrifiantes images, il n’y a rien dans ce soulèvement qui ressemble à une jacquerie meurtrière ; aucun gentilhomme n’est brutalisé ; et on est réduit, pour nous émouvoir, à nous apprendre qu’un gentilhomme de quatre vingts ans est mort de saisissement.

En fait, c’est surtout par la force d’inertie, par le refus concerté de payer les rentes féodales que les paysans agissaient.

Mais, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est le concours que leur prêtaient les municipalités. Avec quel mépris et avec quelle colère les bourgeois du Directoire départemental, dont plusieurs possédaient des titres de rentes féodales, parlent de ces municipalités paysannes qui transforment en réalité les décrets illusoires du 4 août !

Des paysans résistaient aussi dans la région parisienne.

Le 8 septembre 1790, le directoire du département de Seine-et-Marne écrit à l’Assemblée nationale : « Le Directoire de Seine-et-Marne s’empresse de vous annoncer la fin des troubles excités dans le district de Nemours par les refus des dîmes et champarts ; il se plaît à rendre devant vous la justice qui est due au Directoire de Nemours, à M. de Château-Thierry, commandant de la garde parisienne, à MM. de Montalban, Dufresnoy, de la Roche et de Certamen, officiers de troupes de ligne. Leur activité, leur prudence et leur adresse sont au-dessus de nos éloges et, malgré la résistance opiniâtre qu’ils ont éprouvée d’abord, ils ont réussi à faire faire des soumissions pour le paiement des champarts dans le plus grand nombre des paroisses égarées. »

Mais d’année en année, la résistance paysanne se renouvelait et s’aggravait, surtout quand approchait le moment des recettes, c’est-à-dire des prélèvements féodaux.

L’Assemblée constituante, qui avait supporté impatiemment l’agitation de l’été et de l’automne de 1790, comprit bien qu’avec l’été de 1791 la