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par de nouveaux dangers évidents, et qu’on ne visera enfin dans aucun cas à un renversement de la Constitution, mais se bornera à en favoriser l’amendement d’après les principes ci-dessus et par des voies douces et conciliantes. »

Ainsi, à la fin de janvier encore, l’empereur d’Autriche désirait la paix et s’obstinait à l’espérer. Il est vrai que le plan de Constitution semi-aristocratique qu’il prévoit est absolument chimérique et rétrograde. Mais, comme il ne veut point intervenir pour l’imposer, qu’importe à la France ? qu’importe à la Révolution ?

Il est vrai encore qu’il annonce qu’il interviendra si la « sûreté » de Louis XVI et de Marie-Antoinette est évidemment en péril. Mais il lui était vraiment malaisé de tenir à sa sœur un autre langage. Et non seulement il ne veut point de la guerre mais, selon les vues des constitutionnels, il tente de persuader au roi et à la reine de France que la guerre les perdrait.

Mais qu’est-ce à dire ? Est-ce que nous admettons un instant que la Révolution devait tolérer une intervention quelconque, même pacifique, même conciliante, de l’étranger dans ses affaires intérieures ? Non, non ; qu’il n’y ait pas de malentendus : le premier devoir de la Révolution, la condition du salut et de la vie même, c’était d’affirmer qu’elle voulait se développer librement, évoluer à son gré, et que ni menace ni conseil ne la détourneraient de sa voie. Mais la Gironde jetait la Révolution sur l’étranger, sur l’empereur, au moment même où celui-ci se refusait précisément à toute intervention.

Qu’est-ce à dire encore ? Prétendons-nous que par plus de sagesse, la guerre aurait été certainement évitée ? Non, non ; il ne peut y avoir ici une certitude. Peut-être, malgré tout, le choc de la démocratie révolutionnaire et de l’Europe absolutiste et féodale se serait produit. Il est probable même que le jour où la Révolution, rompant avec l’équivoque, et châtiant la trahison, le mensonge et le parjure, aurait porté la main sur la royauté et le roi, l’étranger se serait ému.

Ce ne sont pas les menaces de Léopold ou ses outrages au parti républicain qui devaient arrêter la Révolution dans sa marche logique et nécessaire vers la République. Mais ce que je dis, c’est que la Gironde, au moment où elle a déclaré la guerre, ne pouvait pas croire et ne croyait pas en effet que la guerre fût inévitable, c’est qu’elle a tout fait pour la déchaîner. C’est qu’elle a oublié que si la France avait attendu le choc de Europe et si elle avait commencé par se débarrasser au dedans de la trahison royale avant de provoquer l’étranger, elle aurait été beaucoup mieux armée pour soutenir la lutte. Ce que je dis, c’est que compter sur la guerre pour fanatiser la Révolution, c’était compter sur l’alcool pour surexciter les forces et les courages. Oui, la Gironde a cru que la Révolution défaillait à demi, qu’elle ne saurait pas sans ce stimulant factice, dompter la contre-révolution, abattre la royauté et elle lui a fait avaler presque traîtreusement l’alcool de la guerre, un