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cri de tous les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui n’attendent plus que cette heureuse diversion pour attaquer et renverser leurs tyrans. »

« C’est à cette guerre expiatoire, qui va renouveler la face du monde et planter l’étendard de la liberté sur les palais des rois, sur les sérails des sultans, sur les châteaux des petits tyrans féodaux, sur les temples des papes et des muphtis, c’est à cette guerre sainte qu’Anacharsis Clootz est venu inviter l’Assemblée nationale, au nom du genre humain dont il n’a jamais mieux mérité d’être appelé l’ami. »

Quel abîme entre cette guerre de Révolution universelle et la guerre de conservation monarchique voulue maintenant par la Cour ! Et quelle intrépidité il fallait à la Gironde pour aller à l’une en passant par l’autre ! Mais elle s’ingénie à déborder la Cour de toutes parts. C’est avec tout le vieux monde que Brissot veut mettre la Révolution aux prises : « Le tableau que je viens de faire des puissances serait-il trompeur ? Quoique tout leur commande la paix, les princes voudraient-ils la guerre ? Je veux le croire un instant et je dis que nous devrions nous hâter de les prévenir. Qui prévient son ennemi l’a vaincu à moitié. (Applaudissements.) C’était la tactique de Frédéric et Frédéric était maître en cet art. »

« Je veux donc croire que l’empereur et la Prusse, que la Suède et la Russie soient sincères et de bonne foi dans les traités qu’ils viennent de conclure ; je veux croire qu’ils se soient engagés à détruire par la force, la Constitution française, ou à la modifier, à y amalgamer une Chambre haute, une noblesse ; je veux croire que pour effectuer cet étrange amalgame, ils aient besoin de convoquer un Congrès général des puissances de l’Europe ; je veux croire qu’ils y citent la nation française, qu’ils la menacent si elle ne se soumet pas. Je vous le demande, je le demande à la France entière : quel est le lâche qui, pour sauver sa vie, accepterait une capitulation ignominieuse ? » (Applaudissements.)

« La guerre est nécessaire à la France sous tous les points de vue. Il la faut pour son honneur ; car elle serait à jamais déshonorée si quelques milliers de brigands pouvaient impunément braver 25 millions d’hommes libres. Il la faut pour sa sûreté extérieure, car elle serait bien plus compromise si nous attendions tranquillement dans nos foyers le feu et la flamme dont on nous menace, que si, prévenant ces desseins hostiles, nous voulons les porter nous-mêmes dans les cavernes des brigands qui osent nous braver.

« Il la faut pour assurer la tranquillité intérieure, car les mécontents ne s’appuient que sur Coblentz, n’invoquent que Coblentz, ne sont insolents que parce que Coblentz existe. (Applaudissements.) C’est le centre où aboutissent toutes les relations des fanatiques et des privilégiés ; c’est donc à Coblentz qu’il faut voler, si l’on veut détruire et la noblesse et le fanatisme. »

Comme on voit, c’est le même thème que dans le discours du 20 octobre ;