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point impossibles, nous n’exigerons jamais du ci-devant souverain un amour impossible de la souveraineté nationale, et nous ne trouvons point mauvais qu’il oppose son veto précisément aux meilleurs décrets. »

Il accusa le directoire de Paris d’avoir violé la loi sur les pétitions collectives. Il s’écria, comme pour associer la Législative à un plan de Révolution :

« Continuez, fidèles mandataires, et si on s’obstine à ne pas vous permettre de sauver la nation, eh bien, la nation se sauvera elle-même, comme elle a déjà fait (Applaudissements), car enfin la puissance du veto royal a un terme Et on n’empêche point avec un veto la prise de la Bastille. » (Applaudissements.)

C’était comme une annonce du 20 juin et du 10 août. Desmoulins termina par ces mots :

« Ne doutez plus de toute la puissance d’un peuple libre, mais si la tête sommeille, comment le bras agira-t-il ? Ne levez plus ce bras, ne levez plus la massue nationale pour écraser des insectes… Ce sont les chefs qu’il faut poursuivre. Frappez à la tête ; servez-vous de la foudre contre les princes conspirateurs, de la verge contre un directoire insolent, et exorcisez le démon du fanatisme par le jeûne. »

Desmoulins fut acclamé par la gauche, et il y a loin du ton agressif de ce discours à la longue élégie du 21 octobre. Visiblement, l’énergie révolutionnaire que les démocrates avaient cru un moment abattue se réveillait. Et il semble que dès lors le devoir des révolutionnaires était clair : provoquer contre le veto et contre le modérantisme une agitation populaire, insister pour l’application des décrets contre les prêtres factieux, faire sentir aux ministres qu’ils seraient responsables, sur leur tête, de toute politique de défaillance, de ruse ou de trahison, et si la royauté s’obstinait ou trichait, concentrer sur elle l’effort et emporter enfin la monarchie comme on avait emporté la Bastille ; pendant ce temps, armer le peuple aussi bien contre les ennemis du dedans que contre tous les périls possibles du dehors, mais se bien garder de déplacer l’action révolutionnaire en la portant au dehors, s’abstenir de toute provocation inutile qui déchaînerait la guerre.

Était-il donc impossible de porter plus haut l’animation révolutionnaire du peuple et d’aller à la République sans passer par les chemins de la guerre et par les dangereux détours imaginés par la Gironde ? Mais déjà le discours de Brissot du 21 octobre avait porté. Déjà une fièvre belliqueuse commençait à agiter le peuple imprudent, qui ne pouvait, à travers la fumée des batailles dont les cerveaux déjà s’enveloppaient, entrevoir les abîmes prochains de servitude militaire. Et, dans les discours des sections qui, en décembre se succédaient à la barre de l’Assemblée, les cris de guerre retentissaient.

Comment avait grandi ce mouvement ? C’est le 22 novembre, qu’en exécution de la motion de Brissot et de Vergniaud, votée le 8, le Comité diplo-