Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tions.) Il faut punir le prêtre coupable. Toute voie de pacification est désormais inutile, et je demande, en effet, ce qu’ont produit jusqu’ici tant de pardons réitérés. Notre indulgence a augmenté l’audace de nos ennemis ; il faut donc changer de système et employer enfin des moyens de rigueur. Hé ! qu’on ne me dise pas qu’en voulant réduire le fanatisme on redoublera sa force, ce monstre n’est plus ce qu’il était ; il ne peut vivre longtemps dans l’atmosphère de la liberté ; déjà blessé par la philosophie, il n’opposera qu’une faible résistance ; abrégeons sa dangereuse et convulsive agonie, en l’immolant avec le glaive de la loi. L’univers applaudira à cette grande exécution, car de tous les temps et chez tous les peuples les prêtres fanatiques ont été les fléaux des sociétés, les assassins de l’espèce humaine ; toutes les pages de l’histoire sont tachées de leurs crimes ; partout ils aveuglent un peuple crédule, ils tourmentent l’innocence par la crainte et trop souvent ils vendent au crime ce ciel que Dieu n’accorde qu’à la vertu. » (Applaudissements répétés.)

Ainsi, la lutte se précisait, nette et violente, entre la Révolution et l’Église. Mais Isnard, girondin fougueux, témoigne une vaste impatience de combat qui semble menacer tout l’univers. Le vent de sa parole sème au loin des germes ardents de guerre.

« Et vous croiriez, s’écrie-t-il avec un singulier mélange d’inspiration et d’emphase, vous croiriez que la Révolution française, la plus étonnante qu’ait éclairée le soleil, révolution qui tout à coup arrache au despotisme son sceptre de fer, à l’aristocratie ses verges, à la théocratie ses mines d’or ; qui déracine le chêne féodal, foudroie le cyprès parlementaire, désarme l’intolérance, déchire le froc, renverse le piédestal de la noblesse, brise le talisman de la superstition, étouffe la chicane ; détruit les fiscalités ; révolution qui sans doute va émouvoir tous les peuples, forcer la couronne à fléchir devant les lois, placer les ministres entre le devoir et le supplice et verser le bonheur dans le monde entier, s’opérera paisiblement, sans que l’on puisse tenter de nouveau de la faire avorter ? Non, il faut un dénouement à la Révolution française. »

C’est cette hâte, cette fièvre d’en finir avec tous les ennemis du dedans et du dehors qui anime en ce moment la Gironde. Dès qu’elle parle et à propos de toutes les questions, c’est l’horizon universel qui s’enflamme. Cet enthousiasme belliqueux est plein de grandeur, mais aussi, pour la liberté, plein de péril. L’Assemblée fut un peu effrayée du discours d’Isnard. Un membre cria : « Je demande que ce discours soit renvoyé à Marat. » Et malgré l’insistance de la gauche, l’Assemblée refusa d’en voter l’impression. Entre les lois trop conciliantes du comité et les lois d’exil proposées par Isnard, elle cherchait un moyen terme. Et elle demanda un nouveau rapport et un nouveau projet au Comité.

Le projet présenté par François de Neufchâteau fut adopté presque en son entier. Il y eut discussion assez vive sur l’article 7, où Isnard renouvela sans succès la proposition de déporter les prêtres factieux. Elle fut repoussée, mais