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l’effet de son refus de sanction, le roi fit connaître à l’Assemblée, le 16 novembre, une proclamation aux émigrants et une lettre à ses frères. Il pressait les émigrants de rentrer, de renoncer à tout projet de violence. « Revenez, c’est le vœu de chacun de vos concitoyens ; c’est la volonté de votre roi. » Il pressait aussi ses frères de le rejoindre. « Je vais prouver par un acte bien solennel et dans une circonstance qui vous intéresse, que je puis agir librement. Prouvez-moi que vous êtes mon frère et Français en cédant à mes instances. Votre véritable place est auprès de moi. Votre intérêt, vos sentiments vous conseillent également de venir la reprendre et je vous y invite et, s’il le faut, je vous l’ordonne. »

Vains appels et dont Louis XVI connaissait bien l’inanité. Mais ces documents suffirent à empêcher tout mouvement d’opinion un peu vif contre le refus de sanction. Le pays aimait à se persuader que le roi, tout en prouvant sa liberté par ce refus même, essayait loyalement de mettre un terme aux agitations des émigrés et aux intrigues des princes, et le conflit entre la royauté et la Révolution ne se précisait pas.

Le 15 novembre, à la Législative, c’est le chef des modérés Viénot-Vaublanc qui succède à Vergniaud au fauteuil de la présidence.

Mais une autre question brûlante est jetée dans l’Assemblée : il devenait urgent de réprimer les manœuvres factieuses des prêtres réfractaires. Le 12 novembre, au nom du Comité de Législation, le rapporteur Velrieu faisait une peinture très inquiétante de l’agitation cléricale. « Il n’est pas de moyens que les prêtres perturbateurs n’emploient pour renverser s’il est possible la Constitution que nous avons juré de défendre, pour l’anéantir dans les horreurs d’une guerre civile. Insinuations perfides, mesures sinistres, propos séditieux, écrits incendiaires, calomnies contre la loi qui nous a arrachés à la servitude, désordres domestiques, insultes envers les autorités constituées, refus des sacrements par les curés non remplacés, envers ceux qui ont acquis des biens nationaux ; coalition de ces prêtres avec les ci-devant nobles ; rébellions ouvertes à l’installation des curés amis de la pureté de l’Évangile ; outrages sanglants faits à ceux-ci au pied même des autels ; rassemblements formés devant les églises pour troubler le service divin ; hordes de femmes égarées et séditieuses ; curés chassés, poursuivis, assassinés ; enfin, citoyens aigris, formés par une haine fanatique et prêts à s’entrégorger, voilà, Messieurs, l’idée rapide et générale des maux qui désolent une partie de l’Empire français. »

Mais le Comité où dominaient des influences modérées, se bornait à proposer, le 14 novembre, un projet de décret exigeant des prêtres le serment civique et privant de leurs pensions et traitements ceux qui ne le prêteraient point.

Isnard fit de nouveau gronder ses foudres : « Je soutiens, Messieurs, qu’il n’est qu’une loi vraiment appropriée à ce genre de délit : c’est celle