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HISTOIRE SOCIALISTE

existe un moyen sûr de le faire tomber avant le succès, de les forcer à marcher le visage découvert, ils ne peuvent plus être à craindre. »

Foi admirable dans la puissance de la liberté et de la lumière. …

« Un roi, dit-on, est nécessaire pour donner de la force au pouvoir exécutif ; mais dans un pays libre il n’existe de force réelle que celle de la nation même, les pouvoirs établis par elle et pour elle ne peuvent avoir que la force qui naît de la confiance du peuple et de son respect pour la loi. Quand l’égalité règne il faut bien peu de force pour forcer les individus à l’obéissance, et l’intérêt de toutes les parties de l’Empire est qu’aucune d’elle ne se soustraie à l’exécution des lois que les autres ont reconnues. »

« On parle toujours comme au temps où des associations puissantes donnaient à leurs membres l’odieux privilège de violer les lois, comme au temps où il était indifférent à la Bretagne que la Picardie payait ou non les impôts. Alors, sans doute, il fallait une grande force aux chefs du pouvoir exécutif, alors nous avons vu que même celle du despotisme armé ne lui suffisait pas. Il a existé des abus, des dangers contre lesquels l’existence d’un roi a été utile, et sans cela y aurait-il eu jamais des rois ? Les institutions humaines les plus vicieuses sont-elles autre chose que des remèdes maladroitement appliqués à des maux imaginaires ou réels ?…. C’est au contraire l’existence d’un chef héréditaire qui ôte au pouvoir exécutif toute sa force utile en armant contre lui la défiance des amis de la liberté, en obligeant à lui donner des entraves qui embarrassent et retardent ses mouvements. La force que l’existence d’un roi donnerait au pouvoir exécutif ne serait, au contraire, que honteuse et nuisible ; elle ne pourrait être que celle de la corruption. »

« Nous ne sommes plus au temps où l’on oserait compter, parmi les moyens d’assurer la puissance des lois, cette superstition impie qui faisait d’un homme une espèce de divinité. Sans doute, nous ne croyons plus qu’il faut pour gouverner les hommes, imposer leur imagination par un faste puéril et que le peuple sera tenté de mépriser les lois si leur suprême exécuteur n’a pas un grand maître de la garde-robe. »

Ainsi, Condorcet, avec une haute philosophie historique, reconnaît que la royauté a été utile. Mais elle a cessé de l’être depuis que la société française, devenue plus homogène par l’effet de la Révolution, favorise par son unité même le jeu du pouvoir exécutif. Et le prestige religieux qui s’attachait à la monarchie s’étant évanoui à la lumière de la raison, l’inutilité présente des rois apparaît sans voile.

Voici maintenant des vues admirables de philosophie historique : « Des hommes qui se souviennent des événements de l’histoire, mais qui ne connaissent pas l’histoire, sont effrayés des tumultes, des injustices, de la corruption de quelques républiques anciennes.

« Mais qu’ils examinent ces Républiques, ils y verront toujours un peuple