Salamine. … » Et les Français aussi auront leur Marathon, leur Salamine, s’il est des puissances assez folles pour les attaquer. Ici, messieurs, le nombre est même du côté de la liberté, et nous aurons à envier aux Spartiates la gloire qu’ils ont eue de lutter avec peu de héros contre des nuées ennemies : Nos Thermopyles seront toujours couvertes de légions nombreuses. »
« D’ailleurs, disait-il, les puissances doivent éviter la guerre précisément pour éviter le contact du peuple avec la France révolutionnaire. Est-ce en s’armant contre nous, en inondant la France de leurs troupes, que les rois étrangers préviendront la contagion de la liberté ? Peuvent-ils croire que leurs soldats n’entendront pas ces saints cantiques : qu’il ne seront pas ravis d’une Constitution où toutes les places sont ouvertes à tous ; où l’homme est l’égal de l’homme ? Ne doivent-ils pas craindre que leurs soldats n’imitent la conduite des Allemands en Amérique, ne s’enrôlent sous les drapeaux de la liberté, ne se mêlent dans nos familles, ne viennent cultiver nos champs qui deviendront les leurs ? »
« Ce n’est pas seulement ceux qui resteront avec nous qu’ils auront à redouter, mais ceux qui, lassés d’une guerre impie et infructueuse, retourneront chez eux. Ceux-là feront naturellement des comparaisons de leur sort avec le sort des Français, de la perpétuité de leur esclavage avec l’égalité des autres. Ils trouveront leurs seigneurs plus insolents, leurs ministres plus oppresseurs, les impôts plus pesants et ils se révolteront. La Révolution américaine a enfanté la Révolution française ; celle-ci sera le foyer sacré d’où partira l’étincelle qui embrasera les nations dont les maîtres oseront l’approcher ! »
Ainsi, dans la tête active de Brissot est formé dès maintenant tout le système prochain de la Révolution : la tendance à la République, la Révolution belliqueuse, la guerre de propagande.
En ces chaudes et troubles journées de juillet, bien des idées fermentaient. Mais elles étaient trop confuses et trop contradictoires pour prendre sur les événements.
Par exemple, le procès intenté à Louis XVI pouvait appeler sur la France révolutionnaire la violence des rois : Brissot dit, non sans témérité, que la France était prête à repousser l’agression du monde. Mais que devenait alors le procès même ?
Le roi ne pouvait alors être acquitté sans que cette absolution parût une concession de la peur à la force armée des souverains. C’était donc la condamnation obligatoire non seulement du roi, mais de la monarchie pour les droits de laquelle les rois et les empereurs auraient pris les armes. De l’hypothèse de Brissot la République jaillissait donc nécessairement.
Et pourtant cette République nécessaire, Brissot lui-même la masquait par toute sorte de combinaisons compliquées comme celle du conseil exécutif. Le brusque départ du roi et sa tentative, à demi innocente pour avoir été