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HISTOIRE SOCIALISTE

contre une multitude trompée et qui croit agir en faveur des lois lorsqu’elle les enfreint. Mais il importe à la nation de prouver que je suis libre ; rien n’est si essentiel pour l’autorité des sanctions et des acceptations que j’ai données à vos décrets. Je persiste donc, pour ce puissant motif, dans mon projet de voyage à Saint-Cloud, et l’Assemblée nationale en sentira la nécessité.

« Il semble que pour soulever un peuple fidèle, et dont j’ai mérité l’amour par tout ce que j’ai fait pour lui, on cherche à lui inspirer des doutes sur mes sentiments pour la Constitution. J’ai accepté et j’ai juré de maintenir cette Constitution, dont la Constitution civile fait partie, et, j’en maintiens l’exécution de tout mon pouvoir. Je ne fais que renouveler ici l’expression des sentiments que j’ai souvent manifestés à l’Assemblée nationale et elle sait que mes intentions et mes vœux n’ont d’autre but que le bonheur du peuple, et ce bonheur ne peut résulter que de l’observation des lois et de l’obéissance à toutes les autorités légitimes et constitutionnelles. » Au nom du Roi, le ministre des Affaires étrangères signifiait à toutes les cours étrangères que Louis XVI acceptait librement et aimait la Constitution.

Mais en même temps Louis XVI les faisait avertir que ce n’était là qu’un jeu, et qu’elles ne devaient pas s’y tromper. Le 22 avril, Fersen en envoyant au baron de Taube le discours de Louis XVI, lui écrit : « le roi ne doit plus s’opposer à rien, mais au contraire, céder à tout, tout faire ce qu’on lui demandera, afin de mieux prouver qu’il n’est pas libre et de les endormir sur les véritables projets auxquels il tient plus que jamais et à l’exécution desquels il faut tout sacrifier, quelque pénible que cela puisse être et le roi (de Suède) ne doit pas être surpris de tout ce qu’il pourrait dire ou faire ; c’est toujours une suite de non liberté. Leurs Majestés iront dimanche à la paroisse à la messe, et pour peu qu’on le désire, elles se confesseront et feront leurs pâques de la main d’un prêtre qui aurait fait le serment ».

Les agents du Roi au dehors essayèrent de tirer parti des événements du 18 avril pour émouvoir les souverains de l’Europe, pour les effrayer sur leur propre danger et pour brusquer leur intervention. Le baron de Breteuil fait remettre à l’empereur Léopold, alors à Florence, un mémoire très pressant, le 3 mai : « Les nouveaux attentats auxquels les factieux viennent de se porter, en empêchant le Roi de sortir des Tuileries, ne peuvent qu’ajouter au désir qu’ont Leurs Majestés de se tirer de captivité. L’indignation publique en facilitera les moyens, et l’Europe sera forcée d’applaudir aux efforts de l’Empereur pour sauver les jours de la Reine.

« Les ennemis de toute royauté n’entassent crime sur crime que parce qu’ils croient à leur impunité ; leurs attentats ont marché avec progression ; et bien certainement Leurs Majestés sont plus en danger ici si l’on n’agit pas que si l’intention de les secourir se manifeste. »

« L’Empereur, comme le plus autorisé à punir les insultes faites à la fille des Césars (Marie-Antoinette, qui était une Habsbourg) est le seul souverain