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HISTOIRE SOCIALISTE

insupportable, LL. MM. se sont déterminées à la faire changer par tous les moyens possibles : ayant en vain employé ceux de la patience, des sacrifices de tout genre et de la douceur, elles se sont résolues à tenter ceux de la force ; mais l’Assemblée ayant, par ses opérations, détruit ou affaibli tous ceux qu’elles auraient pu trouver en France, elles ne les croient pas suffisants, s’ils ne sont pas combinés avec des secours et des bons offices des puissances étrangères.

« LL. MM. sont assurées d’un parti considérable en France, et d’un lieu de retraite à portée de la frontière du Nord. C’est M. Bouillé qui dirige tout cela. Elles sont assurées des dispositions favorables et des secours de l’empereur, de l’Espagne, de la Sardaigne, et de la Suisse, mais ces deux premières puissances craignent l’effet de la réunion de l’Angleterre, de la Hollande et de la Prusse, et que ces trois puissances ne veuillent en les attaquant, les empêcher de secourir le Roi de France d’une manière efficace.

« Elles voudraient donc qu’on différât cette affaire jusqu’à ce qu’on fût assuré de leur parfaite neutralité. C’était aussi le projet du roi (de Louis XVI), mais la marche des factieux est trop rapide, les dangers sont trop pressants et le royaume marche avec trop de rapidité vers sa ruine et sa décomposition totale pour qu’il soit possible au roi de différer plus longtemps. Il est donc décidé de tenter tous les moyens possibles pour mettre fin à tant de maux, et par une démarche prononcée et hardie engager les puissances alliées à se prononcer.

« Le roi est résolu de négocier avec l’Angleterre pour obtenir sa neutralité en lui offrant des avantages ou des sacrifices raisonnables, et, en cas de refus, de demander les bons offices de S. M. Frédéric pour engager la Russie et le Danemarck de se joindre à lui et en imposer de cette manière à l’Angleterre… Le roi de France désire et espère du roi (de Suède) une réponse prompte. Elle doit influer beaucoup sur sa détermination.

« Le roi de France voudrait partir de Paris et agir dans deux mois au plus tard ; mais cela dépend des différentes réponses qu’il attend… D’après le plan, le départ se fera de nuit et clandestinement. Je le ferai savoir au roi par un courrier. Je vous recommande cette affaire. »

Enfin on a trouvé dans le portefeuille des papiers confiés par la reine Marie-Antoinette au comte de Fersen lors du départ pour Varennes, la minute d’une lettre adressée par le comte de Fersen au baron de Breteuil ; la minute est annotée de la main de la reine qui indique quelques corrections, et c’est bien la pensée de la reine qui fut ainsi transmise au baron de Breteuil.

Celui-ci représentait au dehors le roi.

Calonne était l’agent des princes, du comte d’Artois, des émigrés ; de Breteuil était l’agent du roi et de la reine. Entre Calonne et de Breteuil il y avait lutte. Calonne voulait que toute l’œuvre de contre-révolution fût