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HISTOIRE SOCIALISTE


Dans le commerce, les Remuzat, les Bruny, les Maurelet, les Navel, les Cathelin, les Fabrou, les Magy, les Latil, les Guiliermy, les Luc Martin, les Chavignot, les Gravier, les David, les Borrély, dans l’industrie et notamment dans la raffinerie, Bègue, veuve Bon et fils, Bressan et fils, Comte, Féraud, Fremenditi, Garric père et fils, Giraud, Jouve et Sibon, Michel, Pons et Cie, Reinier, Rougier, Sangry, bien d’autres encore bâtissaient de hautes fortunes et ouvraient à leur classe le chemin du pouvoir. L’armateur George Roux atteignait à une puissance quasi royale. Pour se venger de prises faites par les Anglais, il armait une flotte contre la flotte anglaise. C’est lui qui vers le milieu du dix-huitième siècle avait donné à notre colonie de la Martinique un magnifique essor : il y avait envoyé des milliers d’hommes et de femmes ; il y avait accumulé des espèces espagnoles pour fournir à la colonie l’instrument monétaire dont elle avait besoin. Et, lui-même, pour exporter ses propres produits, il avait créé au village de Brue, en Provence, un puissant ensemble de manufactures. C’était une individualité aussi haute que celle de Jacques Cœur, mais, tandis que Jacques-Cœur était encore isolé, les hommes comme Bonnafé, comme George Roux s’appuyaient sur toute une grande classe bourgeoise. Bien mieux, au dix-huitième siècle, à la veille de la Révolution, ils s’appuyaient sur les ouvriers eux-mêmes : ce que nous appelons la question ouvrière n’était pas née. Il n’y avait pas plus d’agitation prolétarienne à Marseille qu’à Bordeaux. Certes, en 1789, dans les 38 fabriques de savon où brûlaient 170 chaudières et où travaillaient mille ouvriers ; dans les 40 fabriques de chapeaux, dans les 12 raffineries de sucre, dans les 10 fabriques de faïence, dans les 12 fabriques d’indiennes peintes, dans les 20 fabriques de bas de soie, dans les 12 fabriques à voiles, dans les manufactures d’étoffes d’or et d’argent, de tapisseries, dans les 20 fabriques de liqueur ; les 10 fabriques d’amidon ; dans les 8 verreries, dans les 10 tanneries, dans les fabriques de maroquins, d’eaux-de-vie, de chandelles, de corail ouvré, de gants, de bougies, de bonnets de laine, de vitriol, de soufre en canons, dans toutes les manufactures et ateliers si variés, les ouvriers de Marseille aspiraient à l’indépendance et au bien-être. Quand la crise révolutionnaire, exaspérée par le péril et par la guerre, aboutira à des mesures extrêmes et que la bourgeoisie prendra peur, les ouvriers marseillais lui arracheront la direction du mouvement. Mais à la veille de la Révolution, et jusqu’à la fin de 1792 ce n’est pas contre la bourgeoisie, même la plus riche, que les ouvriers marseillais sont animés ; c’est contre l’arbitraire des ministres ; c’est contre l’insolence des nobles de Provence et le despotisme des prêtres ; c’est aussi contre cette aristocratie municipale, composée de nobles ou de bourgeois anoblis, qui gaspille les ressources de la Commune et charge le peuple de lourds impôts sur la farine, sur la viande et sur le vin. Et comme la classe bourgeoise réclame la liberté politique, l’humiliation des privilégiés, et une gestion mieux contrôlée des ressources publiques, l’ardeur révolutionnaire des