Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/662

Cette page a été validée par deux contributeurs.
652
HISTOIRE SOCIALISTE

per que d’objets temporels… Oui, Monsieur, la religion est toute spirituelle : sous ce rapport, elle est indépendante de l’autorité civile. Tout le monde en convient et l’Assemblée nationale a rendu un hommage solennel à cette vérité. Mais cette religion est enseignée par des hommes, elle est placée au milieu des hommes pour leur bonheur.

« Elle touche par tous les points aux diverses institutions sociales ; elle doit donc être organisée pour le plus grand bien possible de la société : il faut donc qu’elle puisse se prêter à toutes ses institutions sans en déranger aucune… Dans les régions chaudes et fertiles de l’Italie et de l’Espagne, où l’homme consomme peu, où le travail d’une journée suffit pour le nourrir une semaine entière, où, dans l’impuissance physique de soutenir des occupations longues et pénibles, l’oisiveté est pour lui le souverain bien, la religion peut et doit offrir un aliment à son imagination par la pompe de ses cérémonies, les fêtes peuvent être nombreuses sans qu’il en résulte aucun inconvénient.

« Mais, dans un climat froid et stérile, où il ne peut arracher sa subsistance à la terre que par des travaux longs et pénibles, si les fêtes sont trop multipliées, si elles sont placées dans la saison des travaux les plus nécessaires, pour servir Dieu les hommes sont exposés à mourir de faim.

« La nation n’aurait-elle donc pas le droit, malgré le clergé, de réduire le nombre de ces fêtes, ou de les placer à des époques où elles seraient moins nuisibles ?

« Il importe souverainement à la société que toutes les parties de son territoire rendent le plus grand produit possible pour favoriser la population en fournissant abondamment à la subsistance de ses membres.

« Il lui importe que les terres soient divisées dans le plus grand nombre de mains possible, afin d’intéresser un plus grand nombre d’hommes au maintien de l’ordre. Ce double but était mal rempli par la manière dont les possessions du clergé étaient placées et administrées ; l’Assemblée nationale avait donc le droit d’en faire une application différente.

« Il importe à la société que tous ses membres travaillent à son profit, il lui importe que nul n’obtienne une récompense sans avoir bien mérité d’elle : on a donc pu, on a donc dû détruire tous les titres sans fonctions qui offraient un appât séduisant à l’oisiveté puissante, détournaient une foule d’individus d’emplois utiles où ils auraient pu rendre des services réels à la patrie…

« Enfin il importe à la société que tous ceux qui exercent dans son sein quelque fonction publique, fassent respecter et chérir les lois dans lesquelles elle a posé le fondement de son bonheur et de sa prospérité : elle a donc le droit de s’assurer du patriotisme des ministres de la religion.

« Si ces ministres, loin d’être soumis aux lois de leur pays, profitent de l’empire que la religion leur donne sur des consciences faibles, pour semer l’esprit d’insubordination et de révolte, la société doit les repousser de son