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HISTOIRE SOCIALISTE

Le mouvement fut d’abord très mêlé et très incertain. Il est difficile, faute de documents authentiques, de savoir quelle fut la proportion exacte des jureurs et des non jureurs, des assermentés et des insermentés. À Paris, il semble bien que la moitié au moins des prêtres ait prêté le serment : et presque partout, surtout dans les campagnes, la proportion fut plus élevée. Et non seulement, un grand nombre de prêtres acceptaient la Constitution civile et assuraient la continuation du culte dans les conditions fixées par l’Assemblée : mais ces prêtres constitutionnels faisaient, à l’exemple de Grégoire, un véhément effort pour ramener à eux les « réfractaires ».

Eux-mêmes tâchaient de donner à leur serment le plus de retentissement et d’éclat.

Après l’avoir prononcé devant l’assemblée électorale, ils désiraient souvent qu’avis en fût donné à l’Assemblée nationale elle-même. Des chanoines du chapitre de Paris ayant attaqué la Constitution civile, beaucoup de leurs confrères adressèrent immédiatement une protestation à la Constituante, le 7 janvier 1791 : « Nous soussignés, prêtres, diacres, sous-diacres, ci-devant bénéficiers de l’Église métropolitaine de Paris, sous les titres de chanoines de Saint-Denis-du-Pas, de Saint-Jean-le-Rond et vicaires de Saint-Aignan, de plus les musiciens clercs de cette église, après avoir pris connaissance d’une protestation des ci-devant chanoines et chapitres, et, en outre, d’une déclaration par eux faite aux officiers municipaux de cette ville, lors de l’apposition des scellés sur les effets mobiliers de ladite église : désirant autant qu’il est en nous demeurer fidèles au serment civique que nous avons prêté avec tous les Français, montrer de la manière la plus solennelle notre entière soumission aux lois décrétées par l’Assemblée nationale, acceptées par le roi, et spécialement à la constitution civile du clergé, déclarons désavouer authentiquement toutes protestations ou déclarations réelles ou supposées, secrètes ou publiques sous le nom de Chapitre de Paris ; reconnaissons que l’Assemblée nationale a eu le bon droit de décréter, et le roi de sanctionner et faire exécuter comme loi obligatoire pour tout ecclésiastique citoyen, ladite constitution civile du clergé de France ; que nous sommes disposés à prononcer le serment exigé des fonctionnaires ecclésiastiques de la nation sans y être portés par d’autres motifs que ceux de la conscience, de la raison, de la justice et de l’amour de la patrie : en foi de quoi nous avons signé la présente déclaration :

« Feray, prêtre, ci-devant chanoine de Saint-Denis du Pas ; Larsonnier, prêtre, ci-devant premier vicaire de Saint-Aignan ; Damaz, prêtre, ci-devant chanoine de Saint-Jean-le-Rond ; Merlin, diacre, ci-devant chanoine de Saint-Denis-du-Pas ; Bauweur, musicien ; Devillicer, clerc ; Pinard, clerc ; Goutte, sous-diacre, ci-devant chanoine de Saint-Jean-le-Rond ; Messier, clerc de matines ; Duncon, diacre, ci-devant chanoine de Saint-Jean-le-Rond ; Cornu, clerc ; Hurez, clerc ».