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HISTOIRE SOCIALISTE

pentiers n’ont pas pris cet avis pour eux, puisqu’effectivement il ne s’adressait pas à eux mais à tous les ouvriers en général ; ils ont reconnu dans cet avis toute la pureté des intentions du corps municipal et ne l’ont pas méprisé. Mais lesdits entrepreneurs, affligés de ce prétendu mépris, ont présenté une pétition au corps municipal dans laquelle, au mépris de toutes les lois et convenances humaines, ils se sont permis les plus affreuses calomnies contre les ouvriers, dans la coupable intention de les montrer comme ennemis du bien général. »

« Ils ne se sont pas tenus là, et ils se sont adressés à M. le Président de l’Assemblée nationale et lui ont présenté une pétition dans laquelle ils ont développé, disent-ils, les dangers inséparables d’assemblées corporatives d’ouvriers qui tiendraient à augmenter les salaires et qui forceraient l’augmentation par la cessation des travaux. »

« Il faut avouer que les entrepreneurs sont de bien mauvaise foi : ils savent bien que le but de notre société est de nous secourir mutuellement les uns les autres dans nos infirmités et dans notre vieillesse. Ils appellent cela une corporation. Comment nommera-t-on une société de bienfaisance ? Mais leur but est de montrer les ouvriers sous les couleurs les plus noires en leur attribuant des intentions criminelles. »

« A l’égard des règlements proposés par les ouvriers et qui ont été reconnus conformes à la justice par le plus grand nombre des ci-devant maîtres et tous les nouveaux entrepreneurs et contre lesquels un petit nombre d’entrepreneurs se récrient avec tant d’opiniâtreté et d’acharnement, en voulant donner à croire que les ouvriers réservent le droit d’augmenter le prix des journées et de forcer par la cessation des travaux à l’augmentation ; mais ces règlements ont été lus dans l’assemblée des ci-devant maîtres et on leur en a laissé la copie entre leurs mains. L’article VII est conçu en ces termes :

« Les ouvriers s’engagent à ne jamais profiter de ce qu’un maître aurait de l’ouvrage bien pressé pour le faire payer davantage que les prix convenus. » L’Assemblée nationale, en détruisant tous les privilèges et les maîtrises et en déclarant les Droits de l’Homme, a certainement prévu que cette déclaration servirait pour quelque chose à la classe la plus indigente qui a été si longtemps le jouet du despotisme des entrepreneurs. Au surplus, si nous voulions dénoncer, comme les ci-devant maîtres, nous dirions qu’ils s’assemblent journellement, qu’ils se coalisent et qu’ils s’entendent ensemble, pour ne donner aux ouvriers que le moins qu’ils pourront, de sorte que un ouvrier, en se présentant chez un entrepreneur est obligé d’accepter le prix qu’il lui offre, puisqu’il est certain d’avance de ne pas avoir davantage chez un autre. Ils le nieront sans doute, mais les preuves en existent. »

« Il est certain aussi que plusieurs entrepreneurs sont convenus de gré à gré avec plusieurs ouvriers individuellement, lesquels après avoir travaillé pendant quinze jours n’ont pu obtenir que ce que les entrepreneurs ont bien