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HISTOIRE SOCIALISTE

des ouvriers : mais les entrepreneurs, sous prétexte qu’ils ne trouvaient pas cette assemblée légale ont méprisé l’invitation. Les ouvriers se voyant méprisés par ceux mêmes qui devraient les chérir et les respecter, puisque c’est d’eux qu’ils tiennent leur fortune, leur ont fait sentir toute l’injustice de leur procédé, par toutes les voies que la prudence leur a suggérées et sans s’écarter des bornes prescrites par les lois, dans l’espérance que les entrepreneurs se décideront plutôt à venir pour concourir à la formation des règlements proposés. Les ouvriers, après avoir attendu inutilement pendant quatre jours, ont cru qu’il était de leur devoir de prévenir les désordres qui pourraient résulter de l’opiniâtreté des entrepreneurs. »

« En conséquence, les ouvriers ont dit : Le public ne doit point souffrir de leur mauvaise volonté : assurons-lui nos bras sous des conditions non pas exorbitantes, mais absolument conformes à la justice. Qu’en est-il arrivé ? Plusieurs d’entre les ouvriers ont trouvé des ouvrages à faire, les ont entrepris et ont offert eux-mêmes de donner cinquante sols pour le plus bas prix des journées des ouvriers qu’ils occupaient ; et ont demandé d’avoir des règlements fixes afin de pouvoir tabler sur des bases solides pour faire leur marché avec les propriétaires ; voilà ce que les anciens entrepreneurs appellent délibération, ce qui n’était que des conventions de gré à gré. Or, pour contenter les nouveaux entrepreneurs, les ouvriers ont fait des règlements en huit articles qui ont été trouvés si justes, que tous les nouveaux entrepreneurs et la plus grande partie des ouvriers ont voulu y apposer leurs signatures. Il serait question de savoir si ces règlements peuvent s’effectuer sans faire du tort aux propriétaires et sans laisser un gain légitime et honnête aux entrepreneurs. Or, il ne suffirait pas qu’ils aient été faits par des gens de l’art et parfaitement instruits ; il fallait encore pour être en droit de réclamation que ces règlements, tout justes qu’ils étaient, fussent approuvés par tous les intéressés. »

« C’est dans cette vue que les ouvriers les ont présentés à M. le maire et qu’ils l’ont prié de vouloir bien se rendre médiateur dans cette affaire, en invitant les ci-devant maîtres à se réunir aux ouvriers pour concourir à la fixation du prix des journées. Quant aux inculpations faites par les ci-devant maîtres, les ouvriers ne croient pas devoir être obligés d’y répondre davantage. Elles sont absolument dénuées de preuves et de fondements. »

« Et ce très petit nombre d’anciens entrepreneurs de charpente, alarmés de se voir privés du droit affreux qu’ils avaient ci-devant de ne donner aux ouvriers que ce qu’ils voulaient, et de celui de faire des fortunes rapides aux dépens du talent et de la peine desdits ouvriers, se sont adressés au département de police de la municipalité et n’ont pas manqué d’y dénoncer les ouvriers comme ennemis des lois, de l’ordre et de la tranquillité publique. »

« Ils prétendent que de cette démarche il en est résulté un avis aux ouvriers, en date du 26 avril, et que les ouvriers ont méprisé : mais les ouvriers char-