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HISTOIRE SOCIALISTE


Bievre, né à Argenton, commis de MM. Roland et compagnie qu’il a ruinés par ses sottes entreprises dans les travaux du palais marchand, mais ayant mis de côté une fortune de 30,000 livres de rentes.

Montigny, né à Argenton, chargé des réparations des Quinze-Vingt du faubourg Saint-Antoine, et possédant en propre trois superbes maisons de Paris.

Chavagnac, limousin, arrivé en sabots à Paris et possédant quatre beaux hôtels.

Coneffie, coquin de premier ordre, chargé naguère de la paye des ouvriers des carrières, ayant à ses ordres la maréchaussée et ayant volé à l’État plus de deux millions ; il s’est bâti des magasins considérables à la Courtille ; il a toujours maltraité et volé les ouvriers.

Delabre, fils d’un marchand de chaux de Limoges, ayant commencé par grapiller sur les bâtiments de la Comédie italienne, possédant aujourd’hui plus de 40,000 livres de revenu.

Gobert, ignorant, brutal et inepte, qui a volé plus de 200,000 livres sur la construction des bâtiments de Bruna, et qui s’est ensuite construit des bâtiments sur le boulevard pour plus de 500,000 livres.

Perot, manœuvre bourguignon, protégé par les administrateurs des hôpitaux, pour avoir épousé une bâtarde de feu Beaumont, archevêque de Paris ; il vient de se retirer avec 200,000 livres de revenu.

Rougevin, manœuvre champenois, maître maçon depuis cinq ans, et déjà riche de 50,000 livres de rentes.

« Voilà une esquisse des moyens de parvenir de nos vampires et de leurs fortunes scandaleuses. Gorgés de richesses comme ils le sont, croiriez-vous qu’ils sont d’une avarice, d’une rapacité sordide et qu’ils cherchent encore à diminuer nos journées de 48 sols que l’administration nous a octroyés : ils ne veulent pas faire attention que nous ne sommes occupés au plus que six mois dans l’année, ce qui réduit nos journées à 24 sols, et sur cette chétive paye il faut que nous trouvions de quoi nous nourrir, nous loger, nous vêtir et entretenir nos familles lorsque nous avons femme et enfants ; ainsi, après avoir épuisé nos forces au service de l’État, maltraités par nos chefs, exténués par la faim et rendus de fatigue, il ne nous reste souvent d’autre ressource que d’aller finir nos jours à Bicêtre, tandis que nos vampires habitent des palais, boivent les vins les plus délicats, couchent sur le duvet, sont traînés dans des chars dorés et qu’ils oublient dans l’abondance et les plaisirs nos malheurs et refusent souvent à la famille d’un ouvrier blessé ou tué à moitié du jour le salaire du commencement de la journée.

« Recevez nos plaintes, cher ami du peuple et faites valoir nos justes réclamations dans ces moments de désespoir où nous voyons nos espérances trompées : car nous nous étions flattés de participer aux avantages du nouvel ordre des choses, et de voir adoucir notre sort…