dans aucune branche du commerce soit direct, soit indirect de la France avec ses colonies ; met les colons et leurs propriétés sous la sauvegarde spéciale de la nation ; déclare criminel envers la nation quiconque travaillerait à exciter des soulèvements contre elle, et jugeant favorablement des motifs qui ont animé les citoyens desdites colonies, elle déclare qu’il n’y a lieu contre eux à aucune inculpation ; elle attend de leur patriotisme le maintien de la tranquilité et une fidélité inviolable à la nation, à la loi et au roi. »
Comme on voit, c’était une sorte de balance entre l’autonomie coloniale et la souveraineté métropolitaine. De plus, l’Assemblée, sous une forme pudique, et sans prononcer le mot d’esclave, confirmait l’esclavage en garantissant aux colons leurs propriétés.
En revanche, l’instruction du 17 mars accordait le droit électoral aux mulâtres, aux hommes de couleur libres, comme aux noirs et dans les mêmes conditions. Barnave pouvait croire au moyen de cette transaction, avoir sauvegardé les intérêts essentiels des colons, mais leur orgueil était implacable ; ils ne se résignèrent pas à l’égalité politique des hommes de couleur ; leurs députés témoignèrent un mécontentement très vif à l’assemblée, et aux colonies mêmes l’oligarchie des propriétaires blancs organisa la résistance. Elle se prévalut du silence même du décret sur les conditions électorales, elle affecta de n’attacher à la circulaire, tardivement reçue, aucune importance, et en somme, elle essaya de créer un gouvernement quasi autonome, le plus étroitement égoïste qui se puisse imaginer.
À la Martinique, le mouvement fut particulièrement rétrograde. Les propriétaires fonciers étaient, pour une large part, aristocrates ; et semblables à ces agrariens endettés de l’Allemagne qui dénoncent la bourgeoisie leur créancière, ils étaient les débiteurs des riches bourgeois et capitalistes de la ville de Saint-Pierre. Dans le soulèvement de leur égoïsme effréné, ils ne s’insurgèrent pas seulement contre la décision de l’Assemblée, ils marchèrent contre la ville de Saint-Pierre, et chose inouïe, ces hommes qui n’acceptaient point le décret de l’Assemblée parce qu’il accordait le droit de suffrage aux mulâtres, ne craignirent pas d’armer leurs esclaves noirs contre la bourgeoisie capitaliste de Saint-Pierre.
Et les esclaves noirs, auxquels leurs maîtres promettaient une part du riche butin bourgeois, marchèrent sous le drapeau de ces agrariens forcenés. C’est avec peine que le calme fut rétabli ; la force de l’égoïsme propriétaire et de l’orgueil de race emporta les colons de l’intérieur de l’île jusqu’à lutter à la fois contre l’Assemblée nationale et contre la bourgeoisie du port. Ainsi la mollesse de l’Assemblée nationale, la lenteur et le vague de ses décrets avaient encouragé aux colonies mêmes ce mouvement de réaction agrarienne, très voisin de la contre-révolution.
À Saint-Domingue, l’Assemblée coloniale de Saint-Marc affirma elle aussi la quasi-autonomie des colonies. « Le droit de statuer sur son régime intérieur,