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HISTOIRE SOCIALISTE

triers, serruriers, droguistes, coloristes, traiteurs, marchands tanneurs, facturiers, presseurs, voituriers, boulangers, perruquiers, libraires, épiciers, forgerons, tonneliers, fabricants de poteries, chaufourniers, rameliers, tisseurs de toile, blanchisseurs de coton, tuiliers, charcutiers, officiers de santé, marchands de vin, régents d’écoles, faïenciers, broquiers, bouchers, pharmaciens, traceurs de pierres, bourreliers, potiers de terre, commis marchands, salpêtriers, chapeliers, couteliers, cabaretiers, sabotiers, marchands d’allumettes, tailleurs d’habits, même un trompette de Nîmes, qui achète une vigne olivette de 425 livres, huissiers, charrons, charpentiers, entrepreneurs, selliers, clédiers, teinturiers ; toute cette petite bourgeoisie marchande ou artisane, de Nîmes, d’Alais, d’Uzès, de Beaucaire, de Saint-Gilles, d’Anduze, entreprenante, hardie, vaniteuse, multiplie ses achats ; quelquefois pour une somme assez ronde, le plus souvent pour quelques centaines de livres. C’est à qui aura son pré, sa vigne olivette, son champ, sa petite maison, son jardin, son petit domaine qu’on affermera au besoin si on ne peut le travailler soi-même. Il y a évidemment une poussée extraordinaire de fierté bourgeoise : chacun veut emporter un morceau du vieux domaine d’Église, prouver qu’il a quelque épargne et qu’il peut acquérir, témoigner aussi, par un acte, de son dévouement à la Révolution : et de toutes ces boutiques, de tous ces petits ateliers, marchands et artisans sortent endimanchés pour aller aux enchères. Mais que reste-t-il aux paysans, aux cultivateurs, aux travailleurs du sol quand toute cette bourgeoisie des villes et des bourgs, grande, moyenne et petite a acheté ? Des calculs que j’ai faits avec le livre de M. François Rouvière il résulte que les cultivateurs ont acquis tout au plus, dans le Gard, un sixième des biens nationaux. Mais qu’on remarque ceci : parmi ces tout petits bourgeois, parmi ces artisans et ouvriers de la ville et des bourgs, qui achètent d’innombrables petits lots, beaucoup sont des paysans de la veille, parents et alliés de paysans, et beaucoup de ces parcelles peuvent, par héritage, revenir aux paysans eux-mêmes : c’est sans jalousie, c’est même avec bienveillance, que les paysans devaient voir beaucoup de ces achats. Au demeurant, s’ils n’ont eu qu’un sixième, si les gros achats faits par la grande bourgeoisie, par centaine de mille livres ou même par millions de livres réduisent à cette proportion assez faible les opérations des paysans, ceux-ci, n’ayant acquis que des lots modestes, sont encore très nombreux.

Parfois ils se sont associés, soit entre eux, soit même avec quelques artisans et modestes bourgeois des bourgs, pour acheter un domaine. Ainsi, seize acheteurs, tous de Pujaut, s’associent pour acheter le 16 mai 1791, 525 livres une terre de la Chartreuse de Villeneuve. Dix acheteurs de Villeneuve s’associent pour acheter, le 26 mars 1791, un enclos avec terre, vigne et verger. Treize acheteurs, paysans et artisans mêlés, tous de Saint-Gilles, s’associent pour acheter 87,000 livres les terres du port de l’abbaye et le bac à traille. Cent-cinq acheteurs, tous de Pujaut et comprenant évidemment des