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HISTOIRE SOCIALISTE

fût ouverte. Et d’ailleurs, tout en procurant l’essentiel, c’est-à-dire le remboursement de la dette, elle a fait effort pour que la démocratie rurale pût avoir en quelque mesure accès aux biens nationaux. Elle prit des précautions aussi, et très efficaces, contre les agioteurs, contre tous ceux qui essaieraient d’acquérir à vil prix le domaine national. C’est le 9 mai 1790, que Delley d’Agier, membre du Comité pour l’aliénation des biens domaniaux et ecclésiastiques, lut son rapport à l’Assemblée, et le texte du décret fut adopté le 14 mars.

Il distinguait quatre classes de biens : Première classe. Les biens ruraux consistant en terres labourables, prés, vignes, pâtis, marais salants, et les biens, les bâtiments et autres objets attachés aux fermes ou métairies, et qui servent à leur exploitation.

Deuxième classe. — Les rentes et prestations en nature de toute espèce, et les droits casuels auxquels sont sujets les biens grevés de ces rentes ou prestations.

Troisième classe. Les rentes et prestations en argent et les droits casuels auxquels sont sujets les biens sur lesquels ces rentes et prestations sont dues.

La quatrième classe sera formée de toutes les espèces de biens, à l’exception des bois non compris dans la première classe sur lesquels il sera statué par une loi particulière. »

Comme on voit, la complication de la propriété elle-même compliquait singulièrement l’opération de la vente. L’Église ne possédait pas seulement des domaines. Elle possédait (en dehors des dîmes abolies) des rentes, des redevances qui lui étaient payées par tel ou tel immeuble, par tel ou tel domaine appartenant à un particulier. La Révolution saisit et vendit cette catégorie de biens ecclésiastiques comme les autres. J’observe, à ce propos que plusieurs de ces rentes ecclésiastiques avaient un caractère féodal.

Mais on se souvient que l’Assemblée Constituante, tout en abolissant la nuit du 4 août tout le système féodal, avait décidé que les droits féodaux qui ne constituaient pas une servitude personnelle seraient rachetés. Ils gardaient donc en somme leur valeur : et il est curieux de constater qu’ils trouvèrent acheteurs. Cela démontre qu’en 1791 l’ensemble du pays ne croyait pas que les droits féodaux seraient un jour abolis sans rachat.

Voici par exemple, dans le Gard, Plantier François négociant à Alais qui achète le 1er juin 1791, une rente foncière appartenant à l’abbaye de Saint-Bernard et Sainte-Claire : c’était une rente foncière de 7 setiers de blé de mouture et le droit de faire moudre 16 sacs de blé au moulin neuf d’Alais sans payer aucun droit de mouture ; et Plantier paye cette rente foncière d’un assez bon prix, 2.100 livres.

"Voici encore Audemard, tonnelier à Nîmes qui achète le 31 janvier 1791, des droits féodaux sur une terre au quartier des Feissines : ces droits appartenaient aux religieuses de la Fontaine et Audemard les acheta 347 livres.