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HISTOIRE SOCIALISTE

Cette idée a séduit le Comité (de l’Assemblée) ; pour faire du bien aux pauvres, l’impossible lui a paru facile.

« Il a proposé d’appeler tous les citoyens à la concurrence pour l’acquisition de tous les biens nationaux, de donner aux acquéreurs, tant pour la forme que pour les époques de paiement, les mêmes facilités que l’Assemblée a données pour les acquisitions où les municipalités doivent servir d’intermédiaires, et de faire une telle subdivision dans les objets des ventes que le pauvre même qui voudrait acquérir une petite propriété puisse y parvenir.

« Je conçois qu’aucun citoyen ne doit être exclu de la concurrence, voilà pourquoi j’adopte la subdivision des objets de vente en petites parties… Je conçois encore comment la nation, si elle ne devait rien, pourrait et devrait donner aux pauvres toutes les facilités possibles pour acquérir ; voilà pourquoi je leur donne toutes ces facilités pour la troisième vente, lorsque la nation ne devra que des rentes perpétuelles, dont elle sera la maîtresse de ne pas rembourser le principal ou de ne le rembourser que lorsqu’elle le voudra.

« Mais je ne conçois pas comment une nation qui doit deux milliards, actuellement exigibles, et qui n’a d’autre moyen d’acquitter sa dette que la vente de ces biens pourrait donner aux acquéreurs quinze ans de terme pour payer le prix de vente.

« La nation ne peut donner de facilités aux pauvres pour l’acquisition de ces biens qu’après avoir acquitté la dette exigible, après avoir éteint les rentes et les traitements viagers, ou du moins après en avoir assuré le traitement annuel.

« Alors seulement, comme il ne lui restera que des rentes perpétuelles à éteindre, comme personne n’aura le droit de la forcer à les éteindre plutôt aujourd’hui que dans dix, quinze ou vingt ans, elle pourra donner aux pauvres citoyens toutes les facilites qu’elle jugera convenables pour acquérir des biens nationaux et pour en payer le prix.

« Il serait mieux, sans doute, que les riches, que les capitalistes n’eussent aucune prépondérance pour aucune des trois ventes. Si donc l’on m’indique un moyen d’empêcher que l’inégalité des propriétés foncières ne soit la suite nécessaire de l’inégalité des richesses mobilières, je l’adopte sans hésiter. Mais jusqu’à ce qu’on me l’ait indiqué, je demanderai si l’apparence d’un mieux impossible doit nous faire repousser le bien qui est sous notre main. Je demanderai si ce n’est rien pour la prospérité publique et pour l’agriculture que de transformer des caisses et des portefeuilles en propriétés foncières, de reverser dans la circulation des capitaux enfouis depuis longtemps… »

Oui, Polverel a eu le mérite de poser la question avec une netteté saisissante. La dette, et la dette exigible, dominait tout. Le problème immédiat, vital pour la Révolution était, non pas de donner la propriété à ceux qui n’en avaient point, mais de donner des terres aux créanciers de l’État qu’on ne