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HISTOIRE SOCIALISTE

tionnaire. Mais les démocrates réagirent avec vigueur et peu à peu, dans l’entraînement général de la Révolution ce sont eux qui l’emportent à Lyon ; au commencement de 1791, quand est renouvelée par moitié la municipalité, c’est Louis Vitet, un des amis de Roland, qui est nommé maire. La fuite de Varennes, puis la journée du 10 août assurent la primauté de Roland et de son groupe. Mais, malgré tout, la Révolution à Lyon était comme un arbre qui se creuse ; elle était intérieurement rongée et elle ne résistera pas à la secousse de 1793. Vienne la guerre qui suspendra le travail des manufactures, vienne la lutte de la Montagne et de la Gironde et l’écrasement de celle-ci, le parti révolutionnaire désemparé et abandonné ne pourra arrêter à Lyon un mouvement formidable de contre-révolution. La vie municipale de Lyon se résume donc dans une apparente domination de la bourgeoisie révolutionnaire, d’abord modérée puis démocrate, mais avec un travail profond de désagrégation produit par le sourd conflit des classes, par le malaise des ouvriers, et par les paniques de la bourgeoisie dirigeante.

Si, dans les grandes villes marchandes ou manufacturières comme Nantes, Marseille, Bordeaux, Lyon, c’est la haute bourgeoisie surtout qui dirige, dans les villes plus modestes ce sont de moyens bourgeois, marchands, hommes de loi, hommes d’affaires, qui entrent dans le corps administratif du département, du district et dans les municipalités.

Voici par exemple la ville de Louhans dans le Bresse chalonnaise, dont M. Guillemaut a étudié l’histoire en des ouvrages très documentés. 113 électeurs prirent part au vote. Ils désignèrent comme maire un avocat, Antoine Vitte, et comme officiers municipaux André Violet, notaire ; Louis Chaumet, négociant ; Claude Joie, huissier ; André Philippe, négociant, et Élysée Legras, bourgeois. Les 12 notables élus furent Joseph Forest, géomètre ; Jouvenceau aîné ; Bernard, huissier ; Gruard cadet ; François Roy, négociant ; l’abbé Oudot ; Antoine Jobert, géomètre ; Vincent Lachize, maître menuisier ; Claude Joseph Arnout, bourgeois ; Claude Maubey, marchand de fer ; Claude Vitte, écuyer ; Jean Baptiste Audin.

Je regrette que M. Guillemaut ne nous ait pas donné la liste des élus municipaux pour les communautés rurales du Louhanais. Il se borne à nous dire que les électeurs choisirent en général des hommes dévoués à la Constitution, et il note qu’en beaucoup d’endroits les curés qui avaient marché avec le Tiers État furent nommés maires : le curé Gabet à Dommartin-les-Cuiseaux ; le curé Hémy à Brienne ; le curé Delore à Boutange ; le curé Michel, à Savigny sur Scille, le curé Couillerot à Bouhans et le curé Houle, à Bruailles. Mais par le tableau que nous donne M. Guillemaut des électeurs choisis pour nommer les corps administratifs du district et du département, nous pouvons nous figurer aisément quelle était la qualité sociale des hommes qui dans cette première période de la Révolution dirigeaient le mouvement politique des campagnes. Le canton de Louhans délègue : Larma-