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HISTOIRE SOCIALISTE

témoignant « toute la satisfaction que la conduite sage des maîtres-ouvriers fabricants faisait éprouver à la municipalité ».

Le Courrier de Lyon approuva l’intervention municipale : « Il faut laisser dans les opérations ordinaires du commerce la plus grande liberté, mais ici, où la misère lutte presque toujours contre la richesse, il faut nécessairement que la loi prononce. »

C’est à coup sûr un événement économique d’un grand intérêt ; il démontre que quoique la bourgeoisie fût seule préparée à recueillir le bénéfice du mouvement révolutionnaire, la seule apparition de la liberté et d’une démocratie tempérée servait la cause du travail : il était impossible à la bourgeoisie lyonnaise, dans le règlement des affaires municipales, de ne point tenir compte des intérêts de ces maîtres-ouvriers qui pouvaient prendre part au scrutin et former des rassemblements redoutables. Mais, quand on se rappelle avec quelle vigueur, avec quelle violence toute la haute bourgeoisie, toute la grande fabrique de Lyon résistait depuis un siècle aux revendications des maîtres-ouvriers, quand on se souvient que, récemment encore, à propos des élections aux États-Généraux, les grands marchands protestaient contre la part trop grande que s’étaient faite les maîtres-ouvriers aux assemblées d’électeurs, on devine que les riches négociants qui composaient en grande partie la nouvelle municipalité lyonnaise, ne durent céder qu’à contre-cœur à la pression du peuple travailleur.

Il y eut évidemment en eux un commencement de désaffection secrète à l’égard de la Révolution : et je considère ce sourd conflit pendant entre la grande bourgeoisie lyonnaise et les maîtres-ouvriers comme une des causes qui prédisposèrent Lyon à la contre-révolution. La grande bourgeoisie s’effraya ou s’aigrit, et le peuple ouvrier n’était point assez fort pour prendre en main la Révolution.

Mais c’est surtout en juillet 1790, que la municipalité lyonnaise eut à subir la rude pression du peuple. Le mouvement comprimé dans l’été de 1789 recommence dans l’été de 1790, et cette fois ce sont les élus de la cité que les démocrates et les ouvriers lyonnais somment d’abolir l’octroi. Le 5 juillet, une double pétition, signée par les habitants du faubourg de Porte-Troc et par une assemblée générale de tous les cantons tenue en l’église Saint-Laurent est présentée au corps municipal. Elle demande la suppression immédiate de l’octroi et son remplacement par une taxe locale, les sections devaient être invitées à se réunir en assemblée générale pour déterminer avec plus de détail cette taxe de remplacement.

Si la bourgeoisie modérée de Lyon avait eu à ce moment quelque force de résistance, si elle n’avait pas été enveloppée et dominée par le peuple, elle aurait répondu que l’Assemblée nationale n’avait pas terminé la réforme de l’impôt, et qu’en attendant le nouveau système, elle avait ordonné la perception des taxes anciennes. Mais quelques mois à peine après la chute du