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HISTOIRE SOCIALISTE

de la passion du jeu, dissipait en une agitation toute extérieure, les forces du peuple de Marseille.

Barbaroux, Rebecquy, les futurs républicains et girondins ne tardèrent pas à se séparer de lui, et ce sont eux qui, dès 1791, et jusqu’à 1793 conduisent le mouvement marseillais. Par eux Marseille devient un ardent foyer de bourgeoisie républicaine et révolutionnaire. Ce sont, pour une large part, des fils de famille qui s’enrôleront au bataillon célèbre qui, au 10 août, donna l’assaut aux Tuileries. Quant à Lieutaud, par une basse et inintelligente parodie de Mirabeau, il était entré au service de la Cour et de la contre-révolution.

Ainsi, dans le mouvement de la vie municipale, Marseille, après avoir lutté contre les puissantes institutions, à la fois féodales et bourgeoises, qui l’opprimaient et l’exploitaient, après s’être, un moment, dispersée dans l’agitation suspecte imprimée par Lieutaud à des éléments aveugles, s’était enfin élevée à un glorieux républicanisme bourgeois, un peu théâtral et vaniteux, mais sincère, ardent et entraînant la sympathie du peuple par sa fougue et son courage.

A Nantes aussi, c’est la haute bourgeoisie qui administre la cité et la dirige hardiment dans les voies révolutionnaires.

Par sa lutte violente contre la noblesse bretonne, la bourgeoisie nantaise était, pour ainsi dire, montée à un ton révolutionnaire que l’ensemble du pays n’atteignit que plus tard. Comme beaucoup de communes, Nantes se débarrassa d’emblée, en août 1789, d’une municipalité timorée et suspecte : et, sans attendre la loi d’organisation municipale, elle créa, pour surveiller les ennemis de la Révolution, un comité permanent de salut public. Ce seul mot est comme une anticipation fiévreuse sur les grands événements révolutionnaires.

Le docteur Guépin, qui a une connaissance si familière et si profonde des hommes de la Révolution à Nantes, énumère les membres de ce comité :

« Nous y voyons Bellier jeune, Bouteiller père, le plus riche négociant de Nantes ; Bridon, orfèvre, Caillaud, Cantin, Chauceaulme, Chiron, Clavier, qui figurera dans le mouvement girondin ; Coustard, de la Ville, de la Haie, Duclos, le Pelley jeune, C. Drouin, Drouin de Parcay, Dupoirier, Duval, Felloneau, avocat du Roi ; Felloneau, maître particulier : Forestier, Foulois, Fourmi père, Fruchard, Gallon père, Garreau, Gedonin, Genevois, Gerbier, Laennec, Lambert, Le Bas, le Cadre, le Lasseur, de Ramsay, le Pot, le Ray, J. Leroux, Lieutau, de Troisvilles, Louvrier, Maussion, Meslé, Pineau, Marchand, Passin, Guillet, Raimbaut, Sabrevas, Sottin de la Coindiére, devenu depuis ministre de la police ; Toché ; Turquety, Vaudet. »

Je regrette que le docteur Guépin n’ait pas indiqué la qualité sociale de chacun de ces hommes, mais il conclut en disant :