C’est en ce sens que Mirabeau dit et répète : « Le pouvoir royal est le patrimoine du peuple. »
C’est en ce sens aussi qu’il s’écriait, dès les premiers jours, devant les États Généraux, qu’il aimerait mieux vivre à Constantinople que dans un pays où le Roi n’aurait pas le droit de veto.
Il se fait de la royauté une idée toute moderne, il ne la considère pas comme une puissance de droit divin, ni même comme une puissance de tradition : elle est, à ses yeux, la première des institutions nationales et, issue du peuple, elle n’est légitime que dans la mesure où elle le sert.
« Un roi, chef de la société, n’est institué que par elle et pour elle », s’écrie-t-il dans l’essai sur le despotisme.
Ou encore :
« Le peuple, auquel vous commandez, n’a pu vous confier l’emploi de ses forces que pour son utilité, ou, ce qui revient au même, pour le maintien de sa sûreté publique, tant intérieure qu’extérieure, et pour tous les avantages qu’il s’est promis quand il a institué une autorité tutélaire : vous ne lui avez pas arraché l’exercice de ses droits ; car il était le plus fort avant qu’il vous eût créé le dépositaire de sa force. Il vous a rendu puissant pour son plus grand bien. Il vous respecte, il vous obéit pour son plus grand bien. Parlons plus clairement encore : il vous paie et vous paie très cher parce qu’il espère que vous lui rapporterez plus que vous ne lui coûtez.
« Vous êtes, en un mot, son premier salarié (c’est Mirabeau lui-même qui souligne) et vous n’êtes que cela ; or, il est de droit naturel de pouvoir renvoyer celui que nous payons et celui qui nous sert mal. »
Audacieuses paroles qu’il répétera ou à peu près, à l’Assemblée même, quand le Roi paraîtra menacer la Révolution naissante ! Curieuse application des principes du contrat social et du droit naturel inaliénable à la théorie de la royauté !
Ainsi armé, Mirabeau pouvait faire à la royauté des conditions : il pouvait la sommer de servir la Révolution, d’aider au mouvement national, mais il pouvait en même temps se tourner vers la Nation et l’adjurer de respecter dans la royauté renouvelée son œuvre même et la garantie de son développement. C’est à cette réconciliation, si l’on me passe le mot, à cette synthèse de la démocratie et de la royauté, à cette instauration d’une démocratie royale que Mirabeau, pendant ses deux années d’action publique, voua tout son labeur, qui était immense, et tout son génie.
Tout d’abord, il essaie de faire comprendre sa pensée à Necker, à Montmorin, à Lafayette, à Malouet : Malouet comprit à demi, entrevit, comme en un éclair, le vaste plan de reconstruction révolutionnaire de Mirabeau, mais ne s’engagea pas à fond.
Il avoue, dans ses Mémoires, qu’il se reproche de s’être trop mollement intéressé à la tentative du grand tribun ; les autres affectèrent de ne voir