du corps. Le sot ne voyait point qu’il allait jeter Marie-Antoinette dans la tourmente. Mirabeau se lève et avertit la droite de l’Assemblée en quelques paroles terribles : « Je commence par déclarer que je regarde comme souverainement impolitique la dénonciation qui vient d’être provoquée ; cependant si l’on persiste à la demander, je suis prêt, moi, à fournir tous les détails et à les signer ; mais auparavant je demande que cette Assemblée déclare que la personne du Roi est seule inviolable, et que tous les autres individus de l’État, quels qu’ils soient, sont également sujets et responsables devant la loi. » Épouvanté, le marquis comprit et retira sa motion.
Ainsi procédait Mirabeau, couvrant sa tactique de prudence par des audaces révolutionnaires qui faisaient trembler, et protégeant la famille royale des éclats même de la foudre qui paraissaient la menacer.
L’Assemblée adopte enfin un arrêté très simple et très ferme : « L’Assemblée a décrété que M. le Président, à la tête d’une députation, se rendra aujourd’hui par devers le Roi, à l’effet de supplier sa Majesté de vouloir bien donner une acceptation pure et simple de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et des dix-neuf articles de la Constitution qui lui ont été présentés. »
Malgré la coalition naissante de la réaction et du modérantisme, l’Assemblée retrouvait toute sa vigueur pour défendre le cœur même de son œuvre ; et la Déclaration des droits lui communiquait une inaltérable vertu. Mais le Roi cèderait-il ? Voudrait-il consacrer toute la philosophie révolutionnaire et humaine du XVIIIe siècle inscrite dans la Déclaration des droits ? La brusque entrée du peuple va décider la question.
A peine le bureau de l’Assemblée venait-il de désigner les douze députés chargés d’aller vers le Roi, que les femmes, venues de Paris, frappent à la porte. Il était environ quatre heures de l’après-midi. Elles étaient arrivées en bon ordre, malgré la pluie qui détrempait les chemins. Maillard, marchant à leur tête, les avait disciplinées. Le Président avertit l’Assemblée que les femmes demandaient à être admises à la barre. Elles commençaient à violenter les sentinelles. Elles sont admises et Maillard parle en leur nom.
Je donne d’après les Archives parlementaires la physionomie de cette étrange scène, indécise et puissante :
« Nous sommes venus à Versailles pour demander du pain, et en même temps pour faire punir les gardes du corps qui ont insulté la cocarde patriotique. Les aristocrates veulent nous faire mourir de faim. Aujourd’hui même on a envoyé à un meunier un billet de 200 livres, en l’invitant à ne pas moudre et en lui promettant de lui envoyer la même somme chaque semaine. »
L’Assemblée poussa un cri d’indignation et de toutes les parties de la salle on dit à Maillard : nommez.