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HISTOIRE SOCIALISTE

la richesse. Elle se composait de deux éléments : la troupe soldée qui vivait dans des casernes et « les volontaires », les « soldats citoyens ». Ceux-ci étaient tous ou presque tous des bourgeois aisés. En fait, pour faire partie de la milice bourgeoise, il fallait payer une somme assez élevée.

Théoriquement, il suffisait d’être électeur et domicilié dans le district ; et ainsi, il semble que même des artisans assez pauvres y pouvaient entrer. Mais le règlement imposait l’uniforme ; et cet uniforme bleu à collet vert, avec revers et parements blancs, était cher ; il coûtait quatre louis. Cette obligation de l’uniforme avait été savamment calculée par le Comité militaire pour constituer une milice de propriétaires parisiens et de bourgeois aisés.

Dès les premiers jours, les grades qui se donnaient à l’élection furent avidement disputés par la vanité et l’intrigue ; parader en un costume brillant, et faire souverainement la police de la rue, quelle gloire et quel orgueil ! Dès les premiers jours aussi il y eut désaccord entre la milice bourgeoise et le peuple qui lui reprochait son esprit d’exclusion, son arrogance et même sa brutalité.

Je lis dans les Révolutions de Paris, à la date du mardi 18 août : Les garçons perruquiers de la capitale s’assemblèrent aux Champs-Élysées ; leur premier soin fut d’envoyer une députation au district le plus prochain pour demander la permission de rester assemblés ; un officier bourgeois suivi de ses miliciens faisait la ronde ; il s’approche, les traite de séditieux, menace et frappe réellement de son sabre un de ces garçons qui, voulant parer le coup, reçoit une blessure considérable dans le milieu de la main. Remarquez que tous ces garçons étaient sans armes et même sans cannes. »

La défiance et la mésintelligence allèrent si bien que dans les journées du 5 et du 6 octobre, quand la garde bourgeoise entraîna La Fayette à Versailles, le peuple crut un moment qu’elle allait prêter main-forte aux gardes du corps porteurs de cocardes noires et servir la Contre-Révolution. Le peuple se trompait ; la garde bourgeoise savait bien que tous les droits et même les privilèges naissants de la bourgeoisie seraient abolis par un retour offensif de l’ancien régime ; et elle ira au secours de la Révolution. Mais ce n’est point d’elle que viendra l’initiative de la première heure.

De même, l’Assemblée des représentants de la Commune était prête à repousser les assauts de la Contre-Révolution ; elle s’indignera de l’exhibition provocante des cocardes noires, de l’outrage fait à la cocarde tricolore ; mais elle ne donnera pas le signal de la protestation révolutionnaire, elle ne prendra pas la direction du mouvement.

En ces mois d’août, de septembre et d’octobre, la force d’impulsion est ailleurs.

Il y a à Paris plusieurs centres d’action révolutionnaire et populaire. Le plus animé de tous est le Palais-Royal, qui est une sorte de meeting im-