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HISTOIRE SOCIALISTE

savoir si elle allait être étroitement bourgeoise et conservatrice, ou au contraire largement bourgeoise et démocratique. À Paris l’inquiétude était poignante et l’agitation fut extraordinaire. Mais à Paris aussi, dans l’organisation de la vie municipale et dans le jeu des forces sociales commençait à se marquer le conflit de la bourgeoisie oligarchique et de la démocratie. Il serait excessif assurément de dire que la nouvelle assemblée des représentants de la commune et la nouvelle garde nationale appartenaient exclusivement au parti de la bourgeoise modérée et conservatrice. Bailly, maire de Paris, avait présidé le serment du Jeu de Paume et, malgré ses petitesses d’amour-propre, il était uni de cœur à la Révolution. Lafayette, commandant de la garde nationale, avait aidé en Amérique à l’avènement d’une République, et il n’aurait point volontiers compromis sa popularité à arrêter net la marche de la Révolution. Mais, malgré tout, à prendre les choses dans l’ensemble, l’Assemblée des représentants et la garde nationale représentaient surtout l’esprit de prudence et de restriction bourgeoises, un commencement d’oligarchie.

C’est le 25 juillet et le premier août que les soixante districts de Paris, convoqués par Bailly, maire provisoire, nommèrent les cent quatre-vingt quatre membres de l’Assemblée des représentants de la Commune. Les assemblées électorales furent nombreuses : mais seuls les citoyens qui avaient une fonction ou une maîtrise ou qui payaient six livres de capitation purent y prendre part. Les choix se portèrent presque partout sur de notables bourgeois, gros marchands, notaires, avocats, banquiers, savants titrés et illustres, journalistes connus. Il y avait beaucoup d’hommes de mérite. Ainsi, M. Sigismond Lacroix relève parmi les élus du 25 juillet, Brissot de Warville, rédacteur du Patriote français, député à la Législative et à la Convention ; Léonard Bourdon de la Crosnière, ancien avocat, chef d’une maison d’éducation, député à la Convention ; Bourdon des Planches, publiciste ; Brousse Desfaucherets, auteur dramatique, membre du Directoire du Département en 1791 ; l’abbé Chauvier, supérieur général de la Congrégation des Mathurins ; Darrimajon, publiciste, de Joly, avocat, secrétaire greffier de la Convention, ministre de la Justice avant Danton ; Dusault, académicien, membre de la Convention ; Gravier de Vergennes, maître des requêtes ; Huguet de Sémonville, noble rallié au Tiers-État avant le 14 juillet, ambassadeur de la République ; Moreau de Saint-Méry, ancien président des Électeurs, député à la Constituante ; Périer, de l’Académie des Sciences, mécanicien novateur, inventeur des pompes à feu ; Peyrilhe, professeur à l’École de Médecine ; Quatremère de Quincy, archéologue, député à la Législative, membre des Cinq-Cents ; Thonin, botaniste, professeur à l’École normale en 1795, membre de l’Institut ; de Vauvilliers, professeur au Collège de France, académicien, membre des Cinq-Cents, etc.

Les élus complémentaires du 5 août comprennent : Bigot de Préameneu,