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HISTOIRE SOCIALISTE

levis et à pénétrer dans la Bastille ; il a de même été l’un de ceux qui ont conduit le gouverneur à l’Hôtel-de-ville.

« Le sieur Élie, officier au régiment de la reine, infanterie, qui, intrépidement traversa sous le feu des ennemis, pour faire décharger des voitures de fumier et y mettre le feu ; cette ruse heureuse nous servit merveilleusement ; c’est encore le sieur Élie qui reçut la capitulation, et s’élança le premier sur le pont pour forcer l’ouverture de la Bastille et reconduisit, accompagné du sieur Templement, le perfide gouverneur à la Grève.

« Le sieur Maillard fils, qui portait le drapeau, et le remit un moment en d’autres mains pour s’élancer sur une planche mise sur le fossé, pour aller prendre la capitulation ;

« Le nommé Louis Sébastien Cunivier, âgé de douze ans, fils d’un jardinier de Chantilly, est entré le cinquième dans la forteresse, a couru sur le haut de la tour de la Bazinière où était le drapeau, s’en est emparé et l’a promené avec hardiesse sur cette plateforme ;

« Le sieur Humbert, demeurant rue du Hurepoix, qui a reçu une blessure dangereuse ;

« Le sieur Turpin, fusilier de la compagnie de la Blache, caserne de Popincourt, commandait les citoyens qui les premiers ont été tués entre les deux ponts ; il a reçu lui-même une balle dans la main droite et une autre à l’épaule ;

« Le sieur Guinaut a reçu deux blessures très légères et a rapporté l’argenterie du gouverneur à l’Hôtel-de-Ville ;

« Le sieur de la Reynie, jeune littérateur, qui s’est conduit avec courage. »

L’assemblée des représentants de la Commune, ayant ouvert une enquête, constata, dans sa séance du 13 août, « que MM. Hulin, Élie Maillard, Richard du Pin, Humbert, Legrey, Ducossel, Georget et Marc, s’étaient distingués à l’attaque et à la conquête de la Bastille, et arrêta « qu’ils seraient recommandés aux districts, qui seraient invités à les employer d’une manière digne de leur courage et de leur patriotisme, sans considérer à quel district chacun d’eux appartenait ; des citoyens qui ont aussi efficacement contribué au salut de la capitale et de la patrie devant être considérés comme appartenant à tous les districts. » Évidemment, c’est pour un emploi d’officier dans la nouvelle garde nationale que l’Assemblée les recommande.

Comme on voit, ce sont des soldats de métier, des officiers comme Élie, de modestes industriels comme Hullin, de petits bourgeois comme le fils Maillard, qui dirigèrent le mouvement ; mais les plus pauvres des prolétaires tirent largement leur devoir. En cette héroïque journée de la Révolution bourgeoise, le sang ouvrier coula pour la liberté. Sur les cent combattants qui furent tués devant la Bastille, il en était de si pauvres, de si obscurs, de si humbles, que plusieurs semaines après on n’en avait pas retrouvé les