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HISTOIRE SOCIALISTE

ticuliers en jouissent et les payent, que ces fermiers sans en rien payer et que d’en laisser perdre le fonds ; mais notre paroisse n’est soutenue de personne et nous dépendons tous, de ces seigneurs et de ces fermiers : c’est pourquoi nous profitons des États-Généraux pour vous représenter combien la petite populace est lésée dans beaucoup de paroisses. On devrait pourtant bien jeter les yeux sur la misère du menu peuple… Nous vous déclarons que quantité de terrains en mauvais pâturage produiraient beaucoup plus d’être mis en culture que de rester en l’état où ils sont. Voyez les environs de Paris ; l’on arrache jusqu’aux pierres et roches afin de pouvoir mettre soit grains ou légumes à la place : on ne laisse point dans tout le pourtour de Paris à deux ou trois lieues, on ne laisse aucunes terres en pâturage, quoique étant chargé immensément de vaches ; dans un pays comme le nôtre, on peut faire des prés artificiels, comme luzernes, trèfles, fèves, foins, escourgeons, pois et vesces que l’on fait manger en vert aux bestiaux ; il produit beaucoup plus d’herbages que des marais.

« Nous avons aussi dans notre paroisse, tenant aux communes et qui en dépendent, six arpents de prés qui produisent de très bons foins, dont les seigneurs se sont emparés et qui se partagent la récolte entre eux, ce qui ne leur appartient non plus qu’aux habitants de la paroisse. Ces prés, s’ils étaient loués ou donnés à rente au profit de la paroisse et les seigneurs se l’ont approprié eux-mêmes. »

« Et les pauvres paysans de Vaires terminent en assurant de leur éternelle reconnaissance ceux qui « leur feraient remettre de quoi pouvoir faire donner l’éducation nécessaire à leurs enfants et moitié de leur vie ».

Ainsi, tandis que tous les nobles demandent le partage des biens communaux pour exercer leur prétendu droit de triage et tous les « droits » que leurs commissaires à terrier exhument ou fabriquent pour eux, tandis que le tiers état des villes est hésitant et incline vers le partage tout en protestant contre les usurpations des seigneurs, tandis que dans la plupart des communautés rurales les paysans disposant d’un peu de bétail, sont énergiquement opposés à la décomposition du domaine commun, il y a quelques communautés où les paysans très pauvres et démunis de bétail réclament le partage afin de pratiquer sur le domaine commun approprié et transformé la culture intensive.

Au fond il n’y a pas contradiction entre les vœux des paysans. Tous ils aspirent à ressaisir sur les seigneurs les biens communs audacieusement volés. Tous ils aspirent à la jouissance de la terre, ici sous forme collective, là sous forme individuelle. Et même, chose bien frappante, ceux qui demandent le partage des communaux semblent éprouver quelque scrupule. Ils ne voudraient pas que cette appropriation individuelle fût brutalement égoïste. Ils offrent de payer une rente à la paroisse, pour des œuvres de solidarité, de mutualité et d’éducation.