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HISTOIRE SOCIALISTE

profit des communautés, des fruits et feuilles des arbres fruitiers des communaux. »

Le Tiers État de la gouvernance de Douai exige la restitution des biens communaux : « Qu’à l’exemple de ce qui a été réglé pour la province d’Artois, par arrêt du Conseil du 8 septembre 1787, les biens communaux, dont le partage par Feux et le défrichement ont été ordonnés par les lettres patentes sur arrêt du 27 mars 1777, soient remis dans leur état primitif si les communautés le demandent.

Que les droits nouveaux, accordés aux seigneurs par les mêmes lettres patentes et par le titre XXV de l’ordonnance des eaux et forêts de 1669, soient révoqués ; que l’édit du mois d’avril 1667 soit exécuté selon sa forme et teneur ; que, conformément à ses dispositions, nul seigneur ne puisse prétendre à aucun droit de triage sur les biens communaux et que les communautés d’habitants puissent rester dans les mêmes biens, nonobstant tout contrat, transaction, arrêt, jugement, lettres patentes vérifiées et autres choses à ce contraires. »

C’est très énergique et très net. Mais il y a un point faible, c’est que le Tiers État n’indique point comment, et par quelle organisation, il pourra être tiré un bon parti de ces domaines communs. La conception individualiste, bourgeoise et paysanne de la propriété, permettait bien au Tiers État de maintenir ou même de rétablir, contre l’accaparement des nobles, l’ancien communisme traditionnel et rudimentaire : elle ne lui permettait guère d’étudier complaisamment et d’organiser avec zèle l’exploitation scientifique et intensive d’un vaste domaine commun. D’ailleurs, le Tiers État de la ville de Douai, Tiers État bourgeois, va un peu moins loin que le Tiers État rural de la gouvernance. Il demande que les seigneurs soient ramenés aux termes de l’ordonnance de 1669 ; et le Tiers État rural demande même l’abolition de cette ordonnance et le retour à l’édit de 1667 qui faisait rendre gorge aux seigneurs.

Le Tiers État de la ville d’Orchies demande que le revenu des marais communaux cesse d’être, si je puis dire, communalisé, et qu’au lieu d’aller dans la caisse de la ville il soit immédiatement réparti entre les habitants. Le Tiers État de Marchiennes veut déposséder les juges seigneuriaux du droit de juger dans les litiges relatifs aux biens communaux, et il demande que les seigneurs soient obligés de produire et déposer en un lieu public les litres de propriété qu’ils invoquent contre leurs vassaux. Les habitants de la communauté de Warlaing disent en leur doléance : « 8° L’on observe encore que la communauté se trouve tellement chargée qu’on a aliéné, il y a treize ans, 30 ravières de biens communaux pour l’espace de quatre-vingt-quatre ans, ce qui excite à juste raison les vives réclamations de tous les habitants, puisqu’ils supportent seuls le fardeau des charges, lorsque le seigneur prétend encore d’enlever dans leurs marais 8 ravières de terre, dans les-