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HISTOIRE SOCIALISTE

ou trente propriétaires qui ont les uns 5 à 6 pièces, les autres 2 ou 3, d’autres une seule, et toutes contiguës, sans séparations par routes ou chemins, qui conduisent d’une pièce à l’autre, chacun puisse faire séparément de ce qui appartient. »

« On répond : 1o que même dans l’hypothèse de l’objection, cet usage ne devrait être qu’entre les propriétaires et leurs fermiers, qui possèdent dans ce contenant de prairies, de 290 à 300 arpents, et que chacun d’eux n’en devrait user que dans la proportion de sa possession. »

« On répond en second lieu qu’en permettant les échanges des biens ruraux, même avec les gens de mainmorte, sans aucun frais de contrôle, de centième denier et de droits d’échanges, les propriétaires s’arrangeraient de manière que celui qui avait 4 ou 5 pièces, n’en aura bientôt plus qu’une ou deux, et l’avantage qu’ils trouveront à user chacun comme il jugera à propos de sa propriété, les portera bien vite à se former des passages pour aller chacun sur son héritage. »

« La liberté des échanges sans frais procurera à l’agriculture les plus grands avantage, en rendant l’exploitation plus facile et moins onéreuse. »

J’ai à peine besoin de faire observer que c’est le code de la propriété individuelle la plus âpre, progressive en une certaine mesure mais implacable.

En face de cette condamnation si nette de la vaine pâture, comme contraire à la fois aux intérêts de la culture et au droit supérieur de la propriété, voici le cahier de la paroisse de Goubert, qui déclare « qu’il est d’une nécessité indispensable de rétablir dans la province de la Brie le pâturage libre dans les prairies pour les troupeaux de bêtes à laine, que les arrêts de règlement du Parlement de Paris des 23 janvier et 7 juin 1779 ont universellement interdit, et qu’un autre arrêt postérieur du 9 mai 1783 a cependant permis ou rétabli, pour les paroisses situées dans les coutumes de Vitry-le-François et de Vermandois, qui admettent le parcours. »

Voici la paroisse de Ballainvilliers qui dit : « La vaine pâture est un droit imprescriptible attaché au territoire national. Il y est porté atteinte en plusieurs manières. Les uns se sont permis d’enclore des campagnes presque entières, pour former des parcs de somptuosité ; les autres ont fait des clos dans la plaine ; et, en général, on empêche la vaine pâture dans les bois, quoi que ce droit soit antérieur à toute propriété.

Secondement, que l’on ne peut enclore autre chose que les alternances des habitations, et que les parcs ne puissent excéder la quantité de 60 arpents, sans payer une imposition qui put dédommager le peuple pour l’excédant. Il serait juste, en troisième lieu, que toutes clôtures dans la plaine fussent interdites et que le libre parcours des bois fut assuré ».

C’est le choc direct, dans le sein même du Tiers État, d’une sorte de communisme primitif et élémentaire et de la propriété. Voici, dans le sens des pauvres, le cahier de Frangey et Vesvres :