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HISTOIRE SOCIALISTE

une révolution se prépare.

La plus puissante nation de l’Europe va se donner à elle-même une Constitution politique, c’est-à-dire une existence inébranlable dans laquelle les abus de l’autorité seront impossibles.

Ce grand ouvrage ne sera pas difficile, si les volontés sont unies et les délibérations libres.

Pour que la liberté et l’union président à l’Assemblée nationale, il faut que leur règne commence dans les Assemblées élémentaires.

Nous protestons en conséquence, tant en notre nom qu’au nom de toute la nation contre la forme dans laquelle ont été tenues les assemblées d’électeurs.

En ce que après avoir été convoquées et formées, elles ont encore été présidées par des officiers publics lorsque la liberté exigeait qu’elles choisissent elles-mêmes leurs présidents, aussitôt après leur formation :

En ce qu’elles ont été soumises aux décisions provisoires des baillis, quoique la liberté exigeât que la police y fût exercée par des présidents de leur choix et que les questions y fussent résolues à la pluralité des voix :

En ce que les Assemblées ont été obligées de se réduire, quoique la liberté exigeât que les citoyens y fussent représentés par tous les députés qu’ils avaient choisis ;

En ce que la représentation nationale a été formée d’une manière illégale, le clergé et les nobles ayant nommé immédiatement leurs représentants, tandis que ceux du Tiers État ont été nommés, pour les communautés comprises dans les petits bailliages, par l’intermédiaire d’une assemblée d’électeurs, pour les communautés des grands bailliages par le double intermédiaire d’une première assemblée d’électeurs et d’une seconde assemblée réduite ; pour les villes, par le triple intermédiaire de députés choisis par corporations, ensuite d’une partie de ces députés choisis aux hôtels de villes, enfin d’une moindre partie de ces députés réduits encore aux bailliages…

En ce que les ecclésiastiques et les nobles ont joui du privilège de se faire représenter dans plusieurs bailliages, tandis que les membres du Tiers État n’ont pu exercer qu’un droit de représentation, et qu’en effet un seul homme ne peut jamais être compté pour deux ;

En ce que l’usage des procurations engendre un second abus, celui de donner à ceux qui en sont porteurs, l’influence de plusieurs voix ;

Enfin en ce qu’on a méconnu partout le principe fondamental, que la puissance exécutive, après la formation complétée par le serment, ne doit jamais exercer par elle-même ni par ses officiers dans les assemblées élisantes un pouvoir dont les actes blessent toujours la liberté, et ont souvent sur les élections une influence d’autant plus dangereuse qu’elle peut n’être pas manifeste.