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HISTOIRE SOCIALISTE

Il semble qu’il ne reste plus qu’à rapprocher en un même point du bailliage tous les délégués de toutes les villes et de toutes les paroisses, pour que cette assemblée générale du bailliage procède à la formation du cahier commun du Tiers-État et à la nomination des députés qui iront aux États-Généraux porter le cahier et le défendre.

Oui, il en serait ainsi si le bailliage principal était seul : et dans les bailliages principaux qui ne sont point en effet comme surchargés d’un bailliage secondaire, l’assemblée générale du bailliage se forme en effet immédiatement des délégués ainsi élus.

Mais là où le bailliage principal est lié à un bailliage secondaire, qui doit faire opération commune avec lui, ou mieux encore à plusieurs bailliages secondaires, il serait difficile et dispendieux de faire voyager, pour les concentrer en un même point, tous les délégués primaires de tous ces bailliages. Alors le règlement isole un moment les deux bailliages qui forment couple, ou les divers bailliages qui forment système, et il décide qu’en chacun de ces bailliages, et séparément, il y aura une assemblée des délégués. C’est l’assemblée générale de chaque bailliage ; elle est appelée par le règlement assemblée préliminaire et elle est, comme on voit, intermédiaire entre les assemblées locales de chaque ville et de chaque paroisse, et la définitive assemblée générale où seront réunis les délégués de tous les bailliages, principal et secondaire, qui font partie d’un même système électoral.

Dans chacune de ces assemblées préliminaires de bailliage, les délégués choisissent un quart d’entre eux, et ces délégués, ainsi réduits à un quart de leur nombre primitif dans le bailliage principal et dans chacun des bailliages secondaires, se rendent à une même assemblée générale où ils trouvent les délégués de la noblesse et ceux du clergé.

Ainsi, tandis que dans l’ordre de la noblesse l’élection est directe et à un degré, tandis que dans l’ordre du clergé elle est en partie directe, en partie à deux degrés, elle est à trois degrés dans le Tiers-État, et on peut même dire qu’il y a quatre étapes dans la marche électorale du Tiers-État, au moins dans les villes : d’abord les assemblées particulières de diverses corporations et d’habitants non incorporés, puis l’Assemblée plénière des délégués du Tiers-État de la ville, puis l’assemblée préliminaire du bailliage, puis l’assemblée générale des délégués de tout le système des bailliages et de tous les ordres.

Évidemment, et c’est là l’intérêt de ces détails, si la pensée du Tiers-État avait été incertaine ou timide, si elle avait manqué de netteté ou de ressort, elle se serait perdue dans le trajet, et à travers tous les rouages de ce mécanisme compliqué, elle ne fût arrivée que dénaturée ou, si je puis dire, effilochée.

Mais comme le Tiers-État, dans les communautés rurales, aussi bien que dans les villes, avait un sentiment très clair et très vif de ses intérêts, comme