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les forces de sagesse, de lumière, de justice, ne peuvent se passer du secours du temps, et que la nuit de la servitude et de l’ignorance n’est pas dissipée par une illumination soudaine et totale, mais atténuée seulement par une lente série d’aurores incertaines.

Oui, les hommes qui ont confiance en l’homme savent cela. Ils sont résignés d’avance à ne voir qu’une réalisation incomplète de leur vaste idéal, qui lui-même sera dépassé ; ou plutôt ils se félicitent que toutes les possibilités humaines ne se manifestent point dans les limites étroites de leur vie. Ils sont pleins d’une sympathie déférente et douloureuse pour ceux qui ayant été brutalisés par l’expérience immédiate ont conçu des pensées amères, pour ceux dont la vie a coïncidé avec des époques de servitude, d’abaissement et de réaction, et qui, sous le noir nuage immobile, ont pu croire que le jour ne se lèverait plus.