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quatre fois plus considérable que le premier corps, ou, si l’on veut, il communiquera un mouvement égal à une masse quadruple. C’est ce que Leibniz a parfaitement, expliqué dans une lettre à Arnauld. Ainsi, à regarder deux corps en mouvement, on ne peut point juger de la puissance de mouvement qui est en eux ; le mouvement de translation d’un corps n’exprime que partiellement, à n’importe quel moment, la force de mouvement qui est en lui. Mais cet excédent de mouvement invisible est-il de la force inétendue, ou bien est-il un mouvement interne et insensible des éléments du corps ? Cette dernière hypothèse s’impose. En effet, lorsque deux corps inélastiques se heurtent, la quantité de mouvement qui animait les deux corps séparés avant le choc subsiste après le choc dans le système des deux corps agglomérés ; mais il y a diminution de force vive ; or, à cette diminution de force vive correspond un dégagement de chaleur ; la force vive n’apparaît-elle point, dès lors, comme une forme de mouvement interne analogue, sinon identique à la chaleur ? La force vive serait ainsi un mouvement interne en relation constante avec le mouvement de translation. Si vous jetez avec la main une pierre de bas en haut, elle montera quatre fois plus haut si elle a, en partant de la main, une vitesse deux fois plus grande, et elle emploiera nécessairement pour s’élever à cette hauteur les réserves de force vive que son mouvement apparent ne manifestait pas. Il y a donc dans les corps en mouvement comme une provision de mouvements intérieurs qui alimente l’action extérieure ; cette forme interne est donc ce que serait la chaleur si elle servait d’aliment au mouvement de translation ; elle est le lien de la chaleur et du mouvement de translation et je l’appellerais volontiers une chaleur de trans-