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concentrée en certains points inétendus et invisibles ; elle est répandue dans la totalité des mouvements. J’ai dit que ces forces, qui agiraient sur la nature sans s’incorporer à la quantité continue qui en est la base, seraient des éléments surnaturels mêlés, on ne sait comment, au monde naturel. Mais ce surnaturel ne serait point divin, car nous avons vu que l’acte infini, par cela seul qu’il est l’acte infini, fonde la puissance infinie d’être, et que cette puissance infinie d’être a pour symbole l’indétermination immense de l’étendue. Donc l’acte de Dieu se manifeste dans la puissance et par là même dans l’étendue, et les forces qui ne seraient pas mouvements seraient aussi étrangères à Dieu qu’à la nature. Elles ne sont en réalité que des idoles. L’erreur vient de ce qu’on se représente le mouvement comme un effet inerte se prolongeant en vertu même de son inertie, et que dès lors on a besoin d’imaginer des sources cachées de force et de vie d’où sortirait le mouvement ; or le mouvement, au contraire, est essentiellement force, activité ; qu’il soit uniforme ou changeant, il exprime sa loi tout entière dans un éclair infinitésimal de la durée ; comme nous le verrons plus tard à propos de l’infini, le mouvement, par l’effet même de la continuité de l’étendue, n’a pas besoin pour se réaliser tout entier, pour exprimer sa loi, d’une quantité donnée d’étendue, car une quantité moindre peut toujours lui suffire ; il est donc affranchi par l’étendue elle-même de toute dépendance passive et inerte envers l’étendue ; il existe donc continuellement à l’état d’acte complet en sa forme, de loi vivante et achevée. Le mouvement est donc essentiellement activité, et il est activité justement par son union à la continuité de l’étendue. Pourquoi dès lors chercher l’activité en de-