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qui commence le passé au présent, le non-être à l’être. Le mouvement, cependant, par un recommencement et un renouvellement incessant comme celui des rayons lumineux pendant le jour, peut simuler la stabilité et la durée ; il peut vraiment occuper une portion de l’étendue à condition de la réoccuper continûment. Par là, sa forme, qui est l’essentiel, persévère : certaines formes déterminées durent dans le monde ; avec certaines formes, certaines fonctions, et l’organisation universelle devient possible.

Ainsi le mouvement suppose ou enveloppe bien des idées : l’unité essentielle de l’être et son immensité ; la continuité infinie de l’étendue, la communication possible de toutes les parties de l’étendue et de l’être ; l’insuffisance, le manque qui est partout au fond et au cœur même de l’être, considéré comme puissance ; le besoin incessant et universel de se compléter, de s’agrandir ; l’effort de chaque partie de l’être pour s’associer aux autres, pour s’harmoniser avec elles et pour substituer l’infinité pleine de la vie organisée à l’infinité vide de l’étendue indifférente ; la communauté intime de substance, sans laquelle l’action et la réaction, l’ordre et l’échange des activités sont impossibles ; et dans cette identité, pourtant, un germe et un commencement de distinction, de différence, sans lequel l’être pur serait immobile et creux : l’universel et l’individuel s’impliquant ainsi et se soutenant l’un l’autre, et constituant, par leurs combinaisons et leurs relations diverses, la variété illimitée des existences.

Le mouvement, en un mot, est au point de rencontre de l’acte infini et de la puissance infinie : il est l’acte infini se manifestant dans la puissance.

Or, comme c’est l’acte infini qui a fondé la puissance