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les portions de l’étendue sont indifférentes et extérieures les unes aux autres, est vraie ou en voie de devenir vraie par le mouvement qui subordonne les uns aux autres, à travers l’espace illimité, les êtres et les systèmes, de façon que le monde soit infini non plus seulement dans sa matière indéterminée, mais dans son activité. Le mouvement, a dit Lamennais, est une tentative d’omniprésence, non point d’omniprésence banale et inerte comme celle de l’étendue, mais énergique, au contraire, et originale, puisque c’est un mouvement particulier, distinct de tous les autres, qui aspire, en se propageant, à se soumettre l’infinité, et qu’il ne cède à la résistance d’autres mouvements qu’en leur communiquant quelque chose de soi. Il y a dans l’étendue pure mélange d’être et de non-être, mais ce n’est pas d’une manière précise ; car ce qui manque à chaque portion d’étendue, c’est-à-dire l’infini même qui l’enveloppe, ne devient sensible que par l’effort même de chaque partie pour se compléter ; mais cet effort, l’étendue pure ne le fait pas ou elle le fait passivement ; c’est seulement sous la loi de la continuité, qui laisse à l’étendue sa langueur indifférente, qu’elle se développe à l’infini. Dans l’effort plus énergique du mouvement, le manque, l’aspiration apparaissent mieux ; il voudrait, parti d’un point de l’étendue, prendre possession de l’espace illimité. Mais, d’abord, il rencontre une perpétuelle résistance qui l’use à la fin après l’avoir ralenti, et le peu même qu’il a pu parcourir, il n’a fait, en effet, que le parcourir ; il ne l’a point possédé ; il n’a pu occuper un point qu’en abandonnant celui qui précède ; soumis lui aussi à la continuité sous la forme du temps, il n’existe jamais que dans l’instant, limite idéale qui se dérobe en associant sans cesse le mouvement qui finit au mouvement